02/05/2007
La Cité des Roses (Mouloud FERAOUN)
Avec Françoise, je suppose qu'il (M.G.) a mis au point toute une méthode de séduction qu'il a dû éprouver ailleurs et maintenant que je revois rétrospectivement certaines attitudes, certaines réactions, certaines scènes, je suis persuadé que je ne me trompe pas. Dans son entreprise, il a été favorisé par la naïveté de Françoise, mais, en fin de compte, parce que Françoise est foncièrement honnête, il n'a abouti à rien et son immense orgueil blessé a vu en moi le grand responsable de son échec. Alors il a voulu m'en tenir rigueur et il a essayé de me nuire. C'est là toute l'histoire dont pourtant, jusqu'ici, mon amie ne veut pas convenir tout à fait. Pour ma part, quand j'ai compris que l'Autre me mettait sur un piédestal pour me tenir à l'écart, j'ai tout fait pour détruire la bonne opinion qu'il avait de moi et me rapprocher de Françoise. À tort ou à raison, j'ai refusé de jouer ce rôle de « bon sauvage » ou de grand pédagogue qu'il voulait m'attribuer gratuitement et, sans doute, n'ai-je pas tardé à le décevoir. J'ai tenu à rester pour tous un collègue, sans plus. Cela m'a valu la sympathie démonstrative sinon sincère de tous. Il restait à M.G. à prendre ses grands airs, pour bien montrer que lui, tout au moins, il était un être à part, un homme supérieur, habitué aux étages.
M.G. est un grand garçon au regard perdu et au sourire hautain. Lorsqu'il tend la main aux hommes, ses collègues, il semble leur offrir un cadeau inespéré qu'aucun d'entre eux ne mérite. Quand il s'approche des jeunes dames, il arbore son sourire séducteur irrésistible et les salue confidentiellement comme s'il y avait entre elles et lui une longue intimité tissée de vieux secrets. Puis il va se mettre à l'écart, dédaigne nos conversations superficielles et attend, sombre et inspiré, que l'une ou l'autre se détache de notre groupe pour aller le rejoindre. Alors son visage s'illumine. Ils se mettent à faire les cent pas et parviennent à se comprendre au sein de l'étourdissante cohue d'élèves d'où l'on voit émerger leurs têtes. Habituellement, c'est Françoise qui est attirée par cette araignée aux longues jambes. Françoise si modeste, si peu coquette pourtant.
M.G. est un Français d'Algérie d'origine indéterminée. Je lui en veux non pour cela mais plutôt pour une certaine assurance dogmatique qui lui dicte sa conduite vis à vis des Indigènes. Il y a par exemple sa promptitude à tutoyer les parents d'élèves, hommes ou femmes, sa manie d'émailler son langage d'expressions arabes plus ou moins de circonstance, jusqu'au jour où j'ai décidé de lui répondre en un pseudo berbère de mon invention après lui avoir conseillé de se servir du langage de ses aïeux.
Mouloud Feraoun
La Cité des roses
Pages 94-95
Éditions Yamcom
Algérie 2007
05:40 | Lien permanent | Commentaires (3) | Facebook
Commentaires
Chaque fois que je vais dans le pays de mon mari qui est kabyle des environs de Sidi-Aïch, j'achète un livre écrit par l'un des nombreux auteurs de Kabylie.
En 2005, j'ai acheté un livre écrit par Ali MALEK : "Les chemins qui remontent". Résumé : Dans une bourgade de Kabylie, Saïd est chauffeur de taxi, célibataire et vit encore chez ses parents. Sa voiture tombe en panne, et commence alors pour lui une drôle d'errance, à pied ou dans la 405 de son ami Mohand, entre les bars des environs, une liaison passionnée avec la belle Chabha et les joints qu'entre copains on se passe sous un olivier sauvage.
Mon avis : Même si l'histoire se passe dans une autre décennie, cela reflète bien la vie qui se déroule lentement dans les petits villages montagneux de la Kabylie actuellement. Je le recommande donc à toutes les personnes qui veulent savoir un peu comment se passe -en partie- la vie là-bas, dans les villages.
Merci aussi pour ce site très utile où j'ai enfin trouvé une réponse à ma recherche pour mes futurs achats de cet été 2007-si possible !
Bonnes journées à vous.
Écrit par : Reguin-Ghili Chrys | 07/05/2007
Mouloud Feraoun est mon grand père
BALAK TAGHELRT
Écrit par : feraoun lila | 11/05/2008
Bonjour, je cherche désespérément La cité des roses, de M. Feraoun. J'habite Constantine . J'ai cherché dans tout l'Est le livre est introuvable si vous pouvez me le procurer, je vous en serais redevable. Merci.
Écrit par : MEKKAOUI | 28/12/2014
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