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15/07/2008

Promenades en temps de guerre chez les Kabyles (Félix HUN)

Je laisse à droite, à distance, l’emplacement couvert de ruines, de la ville romaine, supposée être ou plutôt avoir été Rusucurum. Il se termine en promontoire dans la mer ; à la pointe est une petite île. Il parait qu’une  petite jetée la reliait à la ville et formait ainsi le port. Si ce point, qui, je crois, a été découvert par M. J. Barbier, est, comme il le prétend, à l'abri des vents, je suis étonné qu'on n’en ait pas fait un petit port de commerce pour les villages populeux des environs et de relâche pour le cabotage pendant les gros temps, Dellys étant dans ces circonstances, inabordable. Je crois qu'il n'en coûterait pas grand'chose. Rien n'échappait aux Romains.

Après environ trois heures de traversée de cap en cap, en ligne directe, droite, comme la corde d'un arc tendu, je double, c'est-à-dire mon bateau double une montagne qui  s'avance dans la mer, et vient aborder au fond d'une petite crique; c'est celle de mon marabout.

Tout près de l'endroit où je débarque, sur le haut du rivage escarpé, voici le marabout de sidi Khaled. C'est une petite maison, de forme carrée, un peu plus longue que large, sans étage, couverte d'un toit, à deux pentes, en tuiles, semblables aux nôtres. Sa porte n'est pas fermée à clé; chacun peut entrer la nuit, le jour, et s'y reposer. On y trouve une cruche, pour boire, quelques ustensiles en terre cuite et des tapis de sparterie, le tout au service de tous. À l'extérieur contre le mur, du côté de la  terre, est un arbre, aussi marabout, chargé de chiffons d'étoffe accrochés à ses branches en ex-voto et offrandes. Ce marabout a une spécialité, au dire de M. J. Barbier, qui le tiendrait des Kabyles, a une spécialité fort utile et curieuse, surtout pour un criminologue, et que lui envierait même le plus fin juge d'instruction. Les Maures de Del­lys viennent en bateau apporter du sel, pour approvisionner les populations voisines. Ils déposent dans le marabout une mesure remplie et une mesure vide et s’en vont à la pêche ou partent pour Dellys. Les Kabyles descendent de leurs villages, voient la marchandise, et, si le taux leur convient, prennent le sel, mais laissent à sa place l’équivalent en blé ou en orge, équivalent indiqué par la mesure vide. Or, la plus grande bonne foi, la plus grande loyauté président à ces marchés muets. C'est qu'aussi sidi Khaled, quoique mort depuis un temps immémorial, ou plutôt son esprit, veille sans cesse à ce qu'il en soit ainsi, punit même très sévèrement le vol, la fraude ou la mauvaise foi.

 

Ainsi, un jour, certain Kabyle, sans foi ni loi, incrédule en son marabout, ou espérant qu’il n’en serait pas vu s'en vint, par un épais brouillard, prendre furtivement et frauduleusement une grosse pierre de sel, puis s'en fut la cachant sous son burnous et la pressant contre son sein, afin que personne ne s'aperçut de rien. Mais ne voilà-t-il pas qu'en toute hâte chez lui arrivé et rentré, voulant se décharger et mettre chose en sûreté, le sel diabolique dans les côtes lui était entré, et si bien, si bien entré, que le malheureux le lendemain fut trouvé, au sel passé et trépassé, sans avoir pu, malgré cela, se conserver.

 

 

HUN-Felix_Promenades-en-temps-de-guerre-chez-les-Kabyles.jpgUn juge d’Alger

(Félix HUN)

 

Promenades en temps de guerre chez les Kabyles

 

 

 

Alger 1860

 

Les livres attribués à Félix HUN furent publiés avec la mention :

UN JUGE D'ALGER EN CONGE

POUR CAUSE DE SANTE

 

Commentaires

Bonjour à toutes est à tous.....
Aimer son pays c'est aimer les gens et leur histoire....

Écrit par : idir | 17/07/2008

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