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13/08/2007

Récit du village (Belaïd AÏT-ALI)

 

Voici ce que l’on raconte, à propos d’un autre homme dont j’ai oublié le nom ; il n’y avait pas plus vaillant que lui au village. On raconte qu’il affrontait trois ou quatre hommes sans hésiter, comme par jeu. Dieu lui avait donné force et courage sans limite.  De plus, il ne se vantait jamais et restait toujours très modeste.

Un jour, les gens étaient assis sur la place du village, nombreux, et bavardaient. Et voilà qu’ils le virent arriver, haletant et soufflant, dégoulinant de sueur. Quand il arriva à leur hauteur, il les salua et prit la parole :

– Oh là là… ! Oh là là !… Aujourd’hui, mes amis, j’ai vraiment dû faire face pour de bon !  Je peux vraiment me vanter, cette fois-ci !… Par Dieu, ils s’en sont pris à moi à sept ! Ils m’attendaient en embuscade sur le chemin !

 

[Alors, tous lui dirent en chœur :

– Hé bien camarade, comment (leur) as-tu fait cette fois-ci ? Tu as dû leur administrer encore une bonne raclée !

– Ce que je leur ai fait ? Eh bien, mes amis, je ne leur ai rien fait du tout cette fois ! Quand j’ai vu qu’ils étaient sept, je me suis enfui, je suis passé par un autre chemin et j’ai couru jusqu’ici à en perdre haleine.]

 

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Izarar Belaïd dit Belaïd AÏT-ALI

″Les cahiers de Belaïd ou la Kabylie d’antan″  

Dallet (J.-M.) et Degezelle (J.-L.) Pères-Blancs

Fichier de Documentation Berbère

Fort-National, 1964

I (Textes) 478 p. + II (Traductions) 446 p.

 

 

 

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Michelet et le Djurdjura

Commentaires

Bonjour!
″Les cahiers de Belaïd ou la Kabylie d’antan″ est-il publié ?
D'après mes recherches, la réponse est NON.

Comment faire pour se les procurer ?
Merci de votre réponse.

PS: Merci votre site, très très intéressant.

Écrit par : mamid | 20/07/2008

Azul.
Merci votre site, très très intéressant.

Écrit par : Djebarra.S | 02/01/2009

oui,mais c'est un document que tu ne trouvera que dans une biblio universitaire, il y a un exemplaire au departement de langue amazighe à TIZI Ouzou.

Écrit par : nabil | 04/11/2009

Très bon article. J'ai quand même besoin d'un peu de temps pour réfléchir à tout ça.

Écrit par : Transpiration excessive | 05/04/2010

Qu’est-ce qu’ils ont contre Boucebsi ?

Saïd MEKBEL ...

Qu’est-ce qu’ils avaient déjà dit pour Tahar Djaout ? Que sa plume était méchante et qu’elle faisait beaucoup de dégâts dans les cerveaux fragiles des fous de Dieu. Qu’est-ce qu’il ont dit de Mahfoud Boucebsi ? Ils n’ont encore rien dit, vu qu’on n’a pas arrêté le chauffeur qui a conduit les assassins à cause que cette fois-ci y a pas de chauffeur, vu que les assassins sont cette fois-ci venus à pied…



Cette fois-ci, il n’y avait ni revolver ni silencieux. Il y avait l’arme blanche pour ôter la vie à Boucebsi. Crainte dérisoire et absurde : aux première nouvelle que l’arme du crime avait été un couteau, on avait craint qu’on l’impute à quelque malade mental. Comme si cela changeait les choses et rendait la vie à notre ami. Non, Ça lui rendait pas la vie, mais ça l’empêchait de mourir pour de bon.



Alors qu’est-ce qu’ils reprochaient à Mahfoud Boucebsi ? Peut-être le bureau de son secrétariat qui servait de salle d’attente et qui était plein de plantes et de verdure. Ça donne des mauvaises idées, les plantes et la verdure, ça rappelle aux âmes qui vivent un enfer personnel que le paradis ça peut exister sur Terre, et c’est même à la portée de tout chacun pour peu qu’on regarde son prochaine avec la même indulgence qu’on se regarde. Ça doit être ça le crime à Boucebsi, d’avoir ouvert ce petit jardin vert à tous ceux qui, angoissés, coincés, déprimés, désespérés, venaient le voir.



A ces gens-là, monsieur, on n’offre pas de la verdure : il leur aurait fallu allumer les feux de l’enfer pour leur faire comprendre que l’enfer qu’ils vivent dans leur pauvre petite tête désemparée, dans leur pauvre cœur meurtri, n’est rien par rapport au grand Enfer. Hé ! c’est qu’il est interdit de rendre les gens curieux du paradis terrestre, monsieur, c’est interdit.



Peut-être son bureau à lui à Boucebsi, où il y avait énormément de livres et de bouquins. Allez savoir qu’est-ce qu’il y a dans tous ces livres et dans tous ces bouquins. D’abords, dites moi, qu’est-ce que ça à voir des livres et des bouquins dans un cabinet de médecin ? C’est pas une librairie ou une bibliothèque. Alors ? Ce serait pas par hasard pour faire de mauvaises lectures aux patients ? Et puis, soit ce docteur il sait son métier et il a pas besoin de bouquins, soit il a besoin de ces bouquins et qu’alors il ne connaît pas son métier et qu’il n’a rien à faire dans ce bureau qui a une salle d’attente comme un morceau de verdure de Jardin d’Essais.



Et puis votre Boucebsi quand il faisait ses visites parmi les malades, ça se voyait qu’il y avait quelque chose qui ne tournait pas rond et qu’était pas clair : ses malades, même les plus malades et les plus dérangés, montraient qu’ils avaient du plaisir à le voir les visiter. Vous trouvez ça normal, vous ? Pas moi. Y a forcement quelque chose de louche là-dessous. Je sais pas pourquoi, mais y a forcément quelque chose.



Et puis votre Boucebsi, votre Mahfoud Boucebsi, tout professeur qu’il est, vous ne m’enlèverez pas de la tête qu’il a forcément quelque chose de louche. Dites-moi, donc pourquoi qu’u s’occupe des filles-mères, des enfants abandonnés, des toxicomanes, etc., etc. ?



D’abord c’est pas des filles-mères, c’est des putains, et c’est pas des enfants abandonnées, c’est des bâtards, et c’est paa un métier que de s’occuper de ces gens-là. Pourquoi ? Parce que c’est pas des gens. Il aurait pu faire vétérinaire, votre professeur, ça rapporte plus de s’occuper des bêtes chez qui y a pas de putains et y a pas de bâtards. Et ça conserve la vie aussi. Et puis votre Boucebsi, c’est un teigneux, c’est pire qu’un bouledogue qui avait la teigne : il lâchait jamais prise quand il tenait à son affaire de putains, les bâtards, les drogués et toute cette faune que c’est dommage qu’il a pas fait vétérinaire pour elle.



Donc Boucebsi quand il a dans le collimateur un ministre, il s’arrangeait toujours pour faire un tir groupé : il visait le ministre, le secrétaire général, le directeur du cabinet, le directeur central, le directeur de l’hôpital, le wali, le procureur de la république, le chef de la police… C’est pas une intervention qu’il faisait, c’est un ratissage.



Et puis il se fatiguait jamais vu qu’on l’a jamais vu baisser les bras. Et ça vous l’enlèverez pas de la tête : il y a du louche la dessous, dans toute cette énergie déployée. Et puis votre professeur qui a le Jardin d’Essais dans sa salle d’attente, qui a la bibliothèque nationale dans son bureau, qui fait pas vétérinaire pour s’occuper de ceux que vous savez, et qui est teigneux pire qu’un bouledogue, dites-moi, votre professeur s’il est pas louche, comment qu’il fait pour, en plus, se lancer dans des choses de la politique, et faire des conférences sur la télévision, et écrire des tartines dans les journaux, et faire des interventions comme des colloques… ? Comment qu’il fait s’il est pas louche ? Moi, je vous dis et vous m’enlèverez pas ça de la tête : votre prof il est mort, mais m’étonnerait pas qu’on va le voir un de ces quatre matins à la tribune d’un colloque de psychiatrie, ou entraine d’emmerder un wali qui a pendu un arrêté de fermeture d’un centre qui n’est pas vétérinaire. Oui, ça m’étonnerait pas qu’y soit capable de ressusciter et qu’on soit encore obligé de le tuer.



N° 23 du 22 au 28 juin 1993

Saïd MEKBEL, Dix ans déjà, Editions DALIMEN, Alger, 2005.

Écrit par : Hacemess | 03/01/2011

azul merci pour votre site trés intérresant surtout sur belaid athali

Écrit par : allicheliza | 12/12/2011

Les commentaires sont fermés.