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31/07/2011

L’Avenir de la Kabylie (Jules LIOREL) 1

 

 

L'AVENIR DE LA KABYLIE

DIXIÈME ET DERNIER LIVRE

 

Il faut donc, des écoles et des écoles très nombreuses en Kabylie ; mais quelles écoles? Des écoles neutres, c’est-à-dire celles qui ménagent les croyances des parents. Auprès du maître français, il faut le taleb, le lettré musulman, chargé d'enseigner aux élèves le Coran. Mais c'est encourager, dira-t-on, le fanatisme dont nous avons en déjà tant à nous plaindre ? Tout d’abord il est impossible de songer à faire de l’anticléricalisme en Algérie; ceux qui le voudraient tenter ne prouveraient qu'une chose, leur ignorance profonde du caractère musulman. Ce qu'il faudrait, c'est que le taleb arabe qui aujourd'hui enseigne, tout à fait en dehors de notre influence, le Coran, la grammaire arabe, le droit de Sidi Khelil, soit remplacé par un taleb d'origine berbère, payé par nous, qui par suite de sa situation, ne choisirait pas exclusivement les passages du Coran, les plus violents contre les « Roumis » pour les faire apprendre par cœur à ses élèves. « Nous aurions ainsi un enseignement du Coran, expurgé à l'usage de nos sujets musulmans d'Algérie. Et qu'on ne me dise pas que cela est impossible. On trouve tout ce qu'on veut dans le Coran, comme dans tous les livres sacrés de toutes les religions. Pour ne citer qu'un seul exemple, à côté d'appels brûlants à la destruction des mécréants, on rencontre des passages où les hommes des écritures, c'est-à-dire les chrétiens et les juifs, sont distingués avec soin des infidèles. On voit par ce seul fait, quel parti un homme intelligent et surveillé, peut tirer du choix habile des versets qu'il fera réciter à ses élèves » (Caix de Saint-Aymour). Ce serait, qu'on nous permette de le dire, un clergé national qui éliminerait peu à peu l'élément fanatique, les marabouts arabes. Mais l'école sans le taleb, l'enseignement français sans l'enseignement religieux, n'ont aucune chance de succès. Il y a là une question de préjugés sociaux qui forment une barrière infranchissable. Et que nos libres-penseurs français ne s'en étonnent pas outre mesure ; ils sont eux-mêmes soumis à ces préjugés dont ils voudraient voir se dépouiller les autres. Combien de ceux qui se disent libres-penseurs dans le monde « comme il faut » recevraient chez eux des couples non mariés à l'église? Cette réflexion de M. de Caix de Saint-Aymour n'établit-elle pas, ainsi qu'il le dit lui-même la preuve « que la logique de la conscience intime n'a rien à voir avec l'intransigeance de traditions séculaires. Il faut, en matière de mœurs, bonnes ou mauvaises, beaucoup de temps pour détruire ce que le temps a consacré ».

 

 

 

LIOREL Jules_Kabylie du Jurjura (Djurdjura)_1892_mf.jpgJules LIOREL

 

Races berbères

 

Kabylie du Jurjura

 

Imprimerie E. JAMIN

Laval  1892

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