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24/09/2012

Le voyage imprévu (Ahcène AZZOUG)

 

            « Citons le cas de ma famille : ma femme et moi étant originaires du même village nous discutons en kabyle. Lorsque notre première fille est née, nous l’avons bercée avec la langue kabyle. Ses premières paroles étaient en kabyle. Les dessins animés en français, comme l’école maternelle n’ont pas détrôné le parler de la famille. Elle s’est trouvée, sans le savoir, bilingue à l’âge de 3-4 ans. Elle avait ses propres repères : parler en kabyle à la maison et en français dehors.

            C’est après la naissance de ses frères et sœurs que tout s’est redéfini autrement. Pourtant nous avions essayé de garder le kabyle à la maison et le français à l’école, dehors, et à la télé. Les enfants parlaient entre eux en français. Il nous semblait que les deux langues coopéraient. Nous n’avions pas prêté attention à ces perpétuelles rentrées scolaires, les croyants bénéfiques. Nous voyions d’un bon œil les progrès de nos enfants qui communiquaient en français sans accent. Nous avons aidé nos enfants à faire leurs devoirs et apprendre les leçons.

            La langue française de l’extérieur a commencé à prédominer. C’est la langue kabyle de la maison qui a fini par sortir. Mais pour aller où ? À sa perte ! Elle n’a pas sa place dehors non plus ! Nous avons retrouvé notre langue sous le paillasson. Plus grave : c’est avec nos séjours de vacances au pays que nous constations l’importance des dégâts, insurmontables par nous seuls, les parents. Seul son enseignement comme celui des autres langues pouvait la sauver. Avions-nous une part de responsabilité ? Etait-ce la conséquence de nos erreurs ? Etait-ce lâcheté de notre part ? C’est ce qu’on nous reproche parfois.

            Nous avons tenté de remettre notre langue kabyle à la place qui lui revenait. Mais notre médiocre pédagogie ne pouvait rivaliser avec celle de l’école et de ses professionnels. Il est devenu presque normal d’entendre les adultes parler en kabyle à leurs enfants et les enfants leur répondre en français. Ils tiennent une conversation en deux langues. Nos compatriotes du pays rigolent bien de nous.

            Les victimes sont plus encore les enfants d’Algériens berbérophones qu’arabophones. En effet, ces derniers ont plus de chance : la mosquée donne lieu à des échanges entre adultes et à l’alphabétisation en langue arabe. De plus, les parents équipent leurs téléviseurs d’antennes paraboliques leur permettant de capter de nombreuses chaînes qui émettent en arabe. Ils peuvent ainsi suivre les différentes émissions et mesurer la nécessité de savoir parler sa langue. Les enfants kabyles, et berbères en général, ne disposent d’aucune aide. Des associations visant à développer la pratique de la langue se multiplient, mais leurs maigres moyens ne leur permettent pas d’égaler l’enseignement officiel et les technologies à sa disposition. Quelques associations tentent d’organiser des cours de berbère (amazigh) en alphabet latin, arabe ou tifinagh. Ces initiatives sont si lourdes à assumer que, finalement, les motivations s’effritent chez les organisateurs comme chez ceux qui veulent apprendre. »

 

Observations : « Des lumineux paysages de Kabylie aux brumes de l’Est français, des durs ateliers de Peugeot aux drames du village natal, c’est tout un pan de la mémoire centenaire de l’immigration algérienne que brosse Le voyage imprévu. Ce récit fourmillant d’anecdotes d’ici et de là-bas, relate petits bonheurs et grandes souffrances, et pose des questions importantes sur les relations entre les communautés. » (Note de l’éditeur).

Ahcène Azzoug, émigré algérien, ouvrier chez Peugeot à Montbéliard depuis sa jeunesse, a participé au débat sur « L’écrivain-migrant » organisé à l’occasion du Salon du livre des droits de l’Homme dédié au thème « Migrations, les mots et les cris » (Paris, Février 2006). Son livre est épuisé…  À quand une édition française ?

 

AZZOUG Ahcène_Le voyage imprévu_2003_couv.jpgAhcène AZZOUG

 

Le voyage imprévu

 

Pages 99-101

 

Éditions Marsa

Alger, 2003

Commentaires

azul bonjour je suis vraiment contentant pour vous cher oncle j'ai lu le livre sa ma fait un grand plaisir et je le garde soigneusement dans la bibliothèque en espérant un autre livre a très bientôt votre cousin rachid fils de djoudi

Écrit par : azzoug rachid | 19/03/2014

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