Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

21/09/2009

LE BOIS SACRÉ (Michel BOGROS)

 

 

Dans un vallon de Kabylie,

Entre deux grands murs de gazon,

J'ai déniché, cette saison,

Une retraite bien jolie.

 

C'est un Bois Sacré très épais.

Sous la voûte sombre des chênes

Clapote un petit ruisseau frais

Qui murmure des cantilènes.

 

Parfois, au pied d'un tronc massif,

L'oeil trouve un renflement de terre

Qu'abritent les branches d'un if

Et qu'enlacent les bras du lierre.

 

C'est un tombeau. — Pour le savoir,

Il faut d'avance le connaître,

Car on ne dirait pas, à voir

Cet endroit charmant qu'il peut être

 

L'asile des morts. — Et pourtant,

C'est dans ce bois aux dômes sombres,

Que des vieux batailleurs d'antan

Se promènent les grandes ombres.

 

C'est là que le vieil indompté,

Fils du Numide ou du Berbère,

Nous a, pied à pied, disputé

Son chaume et son lopin de terre.

 

Maintenant tout bruit a cessé.

On ne se bat plus; on travaille.

Et grâce au temps, s'est effacé

Le souvenir de la bataille.

 

Et les vieux morts qui dorment là

Doivent à coup sûr, j'imagine,

Faire une singulière mine

En voyant ce roumi qui va

 

S'asseoir près de leurs tombes vertes,

À l'ombre de leur Bois Sacré,

Et sans peur d'être massacré,

Évoquer leurs restes inertes.

 

Moi, cependant, en vérité,

Auprès d'eux je ne songe guère

Aux exploits accomplis naguère

En l'honneur de la liberté.

 

Je songe combien peu de chose

Pèse l'héroïsme ici-bas,

Et combien, après les combats,

Tient de place une apothéose !

 

Car ils eurent, ces preux aussi,

Ces vaillants, une heure de gloire ;

Ils eurent leur jour de victoire.

Or, que leur reste-t-il ? Ceci :

 

Un petit coin, dans un bois sombre.

Et leurs enfants sont là, soumis,

Qui des aïeux oubliant l'ombre,

S'inclinent devant les roumis.

 

Et dans quelques siècles, peut-être,

Les roumis, vaincus à leur tour,

Sentiront de quelqu'autre maître

Peser sur eux le sceptre lourd.

 

Ainsi toujours roule le monde.

Aussi, sous ces arbres sacrés,

Je n'aime que la paix profonde

De ceux que j'y trouve enterrés.

 

Azazga (Kabylie), 3 Septembre 1882.

 

 

BOGROS-Michel_Les-Algeriennes.jpgMichel BOGROS

 

Les Algériennes

 

 

P. Perrier ; Oran ; 1887

Commentaires

azul je trouve votre poeme tres touchant la nature na pas d egal c la santé c la paix et tous ce que vous avez evoqué dans votre poeme .mais helas a voir ce qu est devenue le bois sacré; la foret de yakouren, ce qui l ont connu en 1882 la deplore; vue l anarchie qui s y trouve.quel desarroi . tanmirth

Écrit par : FADHMA | 23/09/2009

Les commentaires sont fermés.