19/05/2011
Causes des incendies de forêts (R. THIBAULT)
La lecture attentive du cas de Warme fait revenir, pour le méditer, a ce passage de M. Charles de Ribbe : dans les mois de juillet et d’août, disait un propriétaire soumis au fléau périodique des incendies et qui ne les a que trop observés de près, elles (les couches plus ou moins profondes de combustible formées sur le sol par les aiguilles de pins, les feuilles desséchées, les cimes de bruyères), semblent exhaler une odeur de feu !
Oui, avant que les litières plus ou moins épaisses de débris végétaux dont le sol est couvert n’en viennent à s’enflammer, la fermentation y a déjà engendré l’agent immédiat du feu, ces gaz divers qui, à la façon du grisou, se décèlent par leur odeur.
Mais, objectera-ton, si les incendies dûs à la production spontanée de gaz inflammables sont d’une réalité incontestable, toujours faut-il reconnaître qu’ils sont extrêmement rares. Comment en parler pertinemment? Comment leur assigner un degré de rareté ou de fréquence ? Une forêt, un champ, une meule de grains, une maison même, viennent un jour à être dévorés par le feu. On s’efforce de découvrir une origine à ce dernier. Nulle trace, nul indice ne s’y rattachent. Comment se permettre de conclure? Quel esprit éclairé osera déclarer, même comme présomption, qu’il s’agit là, plutôt d’une manœuvre criminelle habilement conduite ou d’une imprudence dont nul vestige ne survit que d’un phénomène naturel? Et cependant il est des hommes honorables, étrangers il est vrai à l’étude de la nature ou aveuglés par l’intérêt, qui n’hésitent pas à voir, quand même et toujours, des coupables derrière chacun des incendies qui éclatent en Algérie! Que des indigènes aient ou non été aperçus dans les bois où la flamme sinistre va s’élancer; que des fourneaux et autres engins incendiaires aient ou non été retrouvés autour ou au milieu des ruines fumantes peu leur importe! Il faut partout, avec ou sans preuves, y admettre la perpétration d’un crime, frapper des coupables, prélever des amendes sur des tribus rendues solidaires et responsables !(1) Malheur à toi, pauvre Kabyle, si une doctrine pareille venait à prévaloir, malheur à toi qu’un hasard fatal aurait conduit à proximité de la forêt, à l’heure où le tourbillon igné va l’envahir! Pendant des années, sous le vêtement du forçat, il te faudrait pleurer les joies perdues de ton foyer! Malheur à vous aussi, tribus solidaires, dont le sol, à un moment donné, recèlerait les éléments d’une conflagration! Pendant des générations, pour satisfaire aux amendes prononcées, vous resteriez aux prises avec la plus affreuse misère et peut-être aussi, avec la plus mauvaise, la plus immorale des préoccupations, celle de la haine!
1 - On lit dans le travail de la Commission d’enquête sur les incendies, que, sur 52 indigènes poursuivis pour fait d’incendies volontaires ou non, il s’en trouvait, à la date du 1ermars 1866, 7 condamnés, 21 acquittés et 24 non encore jugés.
Des Incendies de forêts en Algérie, de leurs causes et des moyens préventifs et défensifs à leur opposer
1866
Pages 23 à 25
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