30/04/2010
Le Djurdjura à travers l’histoire (BOULIFA Si Amar)
Le 8 octobre 1817, le dey contre lequel se tramait ce complot de haine et de vengeance se vit tout à coup cerné par ses ennemis et étranglé à son tour, dans son propre palais. Son protégé et ami Tchaker, le bey de Constantine, qui, souvent sans raison, avait fait couler aussi tant de sang, ne tarda pas, trois mois après, à subir le même sort. La nouvelle de sa mort, de la disparition d’un gouverneur aussi vulgaire que sanguinaire fut un soulagement pour toute la province de l’est. Ces deux exemples étaient un terrible avis pour les tyrans qui oubliaient que la Justice et le Droit étaient seuls durables.
Mais la suppression d’un tyran ne débarrassait pas le peuple opprimé d’un régime aussi exécrable, comme de même, l’ablation d’un membre ne guérissait un corps corrompu ; le peuple algérien ne pouvait espérer quelque amélioration à son état malheureux que par un changement radical dans la forme de son gouvernement. En attendant, les despotes qui payaient de leur tête les tyrannies qu’ils exerçaient sur le peuple, n’empêchaient pas les calamités de s’abattre sur les malheureuses populations, qui, réduites au désespoir, se livraient à toutes sortes d’excès. Ces crises de rage et de folie, la ruine et la désolation, ne faisaient qu’aggraver la situation générale de la Régence d’Alger. Le meurtre du dey Omar eut lieu à la suite d’une effervescence de la population algéroise effrayée par la réapparition de la peste. Le nommé Ali-Khoudja, principal instigateur du précédent complot à la suite duquel il s’empara du pouvoir, pensa, après ce coup de force, aux moyens de donner à sa personne toute la sécurité voulue. Comme il savait par expérience que la tête du dey était toujours l’enjeu des crises chroniques provoquées par les caprices des Janissaires et des Raïes, il chercha, dès lors en prenant les rênes du pouvoir, à se dégager de l’étreinte directe et brutale que la soldatesque exerçait sur la personne du Dey. Pour plus de sécurité et d’indépendance, il alla donc s’installer avec ses bureaux à la Kasba ; suivant l’exemple de certains deys, une garde d’honneur composée de 2 000 Zouaoua fut chargée de veiller aussi bien sur sa personne qu’à l’exécution stricte de ses décisions. Avec l’aide des Kabyles et des Kourour’lis, il fit annoncer aux Yoldachs son intention bien arrêtée de faire respecter la loi, de les soumettre, eux les premiers, à une obéissance absolue, au respect dû à la majesté du trône. Après cette proclamation faite par l’intermédiaire de ses chaouchs soutenus par les 2 000 Zouaoua, tous les partisans ou amateurs du désordre furent, sans tarder, éloignés ou exécutés ; pour assainir la situation morale du pays, il permit aux autres Turcs mécontents de sa sévérité de rentrer en Orient. Continuant son œuvre de purification et de moralisation, il fit chasser des casernes toutes les femmes non mariées ; les tavernes et autres lieux de mauvaises mœurs furent fermés sur son ordre. Mais si ces saines mesures furent joyeusement accueillies par toute la population honnête de la ville d’Alger, l’élément agitateur avec sa lie fut mécontent ; et les Zebentotes, soldats célibataires, habitués à la débauche et aux vices de la vie de garnison, furent les premiers à se révolter contre ces saines réformes.
Une tentative d’insurrection de la part des Yoldachs soutenus par le ramassis de la populace fut vigoureusement réprimée et dans cette juste répression les soldats kabyles chargés du coup de balai y donnèrent, de bon coeur. Chassés d’Alger, la plupart des perturbateurs expulsés ne trouvèrent rien de mieux que d’aller se joindre aux troupes envoyées en expédition dans l’intérieur pour les inciter à se soulever contre l’autorité du Dey.
Bientôt ces agitateurs entraînant, tous les mécontents et la colonne de l’est mutinée, se dirigèrent en force et menaçants contre la capitale. Le 29 novembre 1817, ils se présentèrent en ennemis sous les murs de la ville ; mais lorsqu’ils apprirent que la force de la garnison qui défendait celle-ci, était assez sérieuse, les chefs des mutinés, se montrant moins agressifs, essayèrent de parlementer pour se faire ouvrir les portes. Pour toute réponse, le Dey donna l’ordre aux forts d’ouvrir le feu, tandis que l’agha Yah’ia, commandant en chef de la garnison, effectuait une sortie furieuse contre les rebelles ; ceux-ci surpris et débordés furent presque tous massacrés : plus de 1 200 Yoldachs et 150 de leurs chefs restèrent sur le carreau ; là encore, les Zouaoua, chargés de repousser les assaillants, exécutèrent les ordres reçus non sans trop faire sentir la rudesse de leurs coups. Cette leçon fut certes des plus dures pour l’orgueil et l’arrogance des janissaires ; exécrés de tous, leurs adversaires n’eurent pour eux aucune pitié ; ceux qui, échappés du carnage de la bataille, essayèrent par la fuite de sauver leur vie lurent rattrapés, faits prisonniers ou tués.
Le succès de cette affaire qui fut célébré par trois jours de réjouissance permit au dey Ali-Khoudja d’asseoir son autorité en détruisant dans sa source cet élément de désordre et d’immoralité qu’ont toujours été les Yoldachs des côtes barbaresques.
Le Djurdjura à travers l’histoire, depuis l’Antiquité jusqu’à 1830
Organisation et Indépendance des ZOUAOUA
(Grande Kabylie)
J. BRINGAU ; Alger ; 1925
Pages 284 à 287
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Commentaires
azul
Écrit par : takfarinas | 27/03/2014
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