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21/06/2011

La vie est un grand mensonge (Youcef ZIREM) 1

 

Extrait 1 :

 

« Tel un forcené, Nacer monte rapidement les escaliers du pavillon de l’Institut du pétrole. Arrivé au quatrième étage, en un laps de temps, il est au bout du couloir où se trouve la chambre commune à Jeff et à Farid. Sans frapper à la porte, il y entre avec un terrible fracas. À bout de souffle, il s’écrie : « les frérots, les sales frérots ! » Allongés confortablement sur leurs lits respectifs, Farid savourait une chronique ciné de l’inimitable Serge Daney, parue dans Libération de la veille, tandis que Jeff terminait de lire Désert. À la vue de Nacer, hors de ses états, ils se relèvent d’un seul coup, prêts à la riposte.

- Les frérots, les sales frérots ! continue de râler Nacer.

 

- Qu’est-ce qu’ils ont encore fait ces frères musulmans de malheur ? questionne violemment Farid.

 

- Ils ont tué un étudiant, ils l’ont sabré.

 

- Où ça ? Comment est-ce que cela est arrivé ? demande avec une grande anxiété Jeff.

 

- À l’université de Ben Aknoun ; ils ont mis fin à sa vie parce qu’il avait affiché un appel à l’assemblée générale pour le renouvellement démocratique du comité de cité, bredouille Nacer.

 

- Et les gens du Mouvement, qu’ont-ils fait ? interroge Farid.

 

-Ils ont essayé de se défendre mais en vain. Les barbus étaient plus nombreux. Ils avaient des renforts importants. Leurs complices non-étudiants étaient une légion. Ils avaient des couteaux, des sabres, des haches.

 

Tout de suite après, Farid et ses deux amis sont dans les rues de Sedrem. La cité-dortoir est encore calme. Les habitants vaquent normalement à leurs occupations, cependant les Land Rover de la gendarmerie vont et s’en viennent d’une manière inhabituelle. En fin de journée, la triste nouvelle se propage dans toute la région. Les visages deviennent effarés, les regards torves sont à chaque coin de rue, les allusions à la vengeance, à peine voilées, sont sur beaucoup de lèvres. Les islamistes se font prudents et se regroupent dans les locaux qu’ils ont aménagés en mosquées. La nuit venue, les gendarmes de Sedrem découvrent dans la cour de l’Institut des industries légères un fourgon bourré d’explosifs et d’armes blanches, appartenant aux barbus. Les gendarmes ne font rien du tout. L’ordre vient d’en haut : il faut prêter main forte aux islamistes, il faut les aider afin qu’ils détruisent la revendication identitaire berbère. Le lendemain matin, Jeff et Farid sèchent leurs cours et prennent le train à destination de Tizi-Ouzou, la métropole kabyle. À leur arrivée au centre universitaire de Hasnaoua, des milliers de personnes sont déjà là. Elles attendent les moyens de transport en direction du village meurtri de Tiferdoudt. Sur ces collines oubliées, elles vont saluer pour la dernière fois, Amzal Kamel, lâchement assassiné le 2 novembre 1982, à l’âge de vingt-deux ans. »

 

 

ZIREM-Youcef_la-vie-est-un-grand-mensonge.jpgYoucef ZIREM

 

La Vie est un grand mensonge

 

Éditions Zirem 116 pages,

 

Prix: 260 DA

 

Date de parution: septembre 2005

 

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