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25/10/2009

La "Béjaïa des ancêtres" (Youcef ALLIOUI)

 

Les Kabyles l'appellent encore « Béjaïa des ancêtres » (Bgayet n’lejdud) et « gardienne de la mer ». Elle est chantée par d'illustres figures du Djurdjura : Slimane Azem et Chérif Kheddam, et bien d'autres poètes kabyles. Le sanctuaire de Yemma Gouraya, la Valeureuse, est quotidiennement fréquenté par de nombreux pèlerins. Il rassemble 99 Saints. Les Kabyles disent : « Il ne lui en manque qu'un seul pour être l'égal de la Mecque ».

 

Elle fut, écrivait Julien « Une des principales villes de la Berbérie. Bougie faisait aussi figure de capitale intellectuelle. Un historien qui en était originaire pouvait établir la liste de 104 célébrités locales du droit, de la médecine, de la poésie et de la religion ».

 

En coupant la province de Bougie, jugée très dangereuse, du reste de la Kabylie, et en favorisant quelques douars kabyles du Djurdjura occidental, l'administration coloniale française s'attendait à ce que la région rebelle fût définitivement soumise. C'était mal connaître le caractère de l'autochtone et surtout celui des Igawawen qui détournèrent le savoir dispensé par l'école française républicaine au profit de leur langue, de leur culture et de l'Algérie tout entière (Violard : 1926).

 

Jamais dans l'histoire africaine la langue française, ce « butin de guerre » (Kateb Yacine), ne fut aussi bien réappropriée que par les archs* du Djurdjura occidental et le village d'Ighil Ali des Bibans, au profit de leur langue et de leur culture. Le génie de l'arch kabyle ne réside pas seulement dans l'irrédentisme, mais plutôt dans la faculté d'échapper à l'ethnocide programmé des Imazighen.

 

Bgayet arabisée, c'eût été fini de la fédération kabyle. Mais c'était mal connaître aussi le caractère du Bougiote, fort cultivé et viscéralement attaché à sa kabylité. Seule cette ville peut se targuer d'avoir des noms de rues « kabylisées » : « la porte des amandes » (tayyurt n Iluz), « la plage de la cité » (tiyremt), « les sept montagnes » (sebca'idu-rar), « la porte d'eau » (tayyurt w-waman), « la faucille » (amencar), « le quartier de l'abazine » (pauma ubazin). Enfin, Bgayet s'ouvre sur le cap Carbon (amencar) et le tunnel sous le cap Carbon (tayyurt w-waman).

 

Ceci témoigne de l'attachement de Bgayet à cette fédération kabyle dont elle fut la capitale depuis des millénaires. On peut encore visiter sa casbah (tamiyreint), du moins les vestiges qui ont échappé à la destruction.

 

À l'indépendance, l'arch d'Awzellaguen était sinistré : maisons détruites, arbres et récoltes brûlés, camps de regroupement où sévissait une misère sans nom. Près de 2000 résistants furent tués. Les veuves de mon arch, fort nombreuses, qui se rendaient à Bgayet pour demander de l'aide, étaient reçues avec respect et déférence par les Bougiotes (Ibgaytiyen). Elles en ramenaient non seulement de la nourriture mais aussi des vêtements.

 

Jamais aucune ville algérienne ne se montra aussi généreuse vis-à-vis des archs kabyles sinistrés. L'Algérie indépendante arabisa son nom - Béjaïa - et continua de l'administrer à l'exemple de ce que fit la France coloniale. Il fallut attendre un découpage administratif récent pour que les archs kabyles, limitrophes de « la gardienne de la mer » fassent de nouveau partie de la « province de Bougie ». Mais beaucoup d'archs kabylophones continuent d'être administrés, en dépit du bon sens, par des villes arabisées, dont les responsables sont souvent sourds aux difficultés rencontrées par la Kabylie".

 

Il serait trop long de revenir ici sur toutes les vexations que cette dépendance administrative nous a fait subir. Il faut parfois encore, aux Kabyles qui en dépendent, plusieurs mois pour faire un simple papier administratif.

 

 

* Arch : Assemblée villageoise ; et par extension : village ou tribu

 

 

ALLIOUI-Youcef_Archs.jpgYoucef ALLIOUI

 

Les Archs, tribus berbères de Kabylie

 

Éditions L’Harmattan ; 2006

 

Commentaires

Bonjour !
Je viens de découvrir le blog de Youcef Allioui. Je suis tellement impressionné par la culture de ce monsieur dont on parle si peu eu égard à son savoir et à tout ce qu'il apporte à la culture berbère et kabyle. Il est dommage que l'on prête si peu d'attention alors que d'autres s'érigent en "spécialiste de ceci et de cela", alors qu'ils ne sont "spécialistes" que par le nom. Je m'étonne que Bgayet ou un journal kabyle ou une Association ne parle jamais de lui alors que l'on parle de tant d'autres. J'encourage vos lecteurs à aller sur son blog : ils seront bien étonnés des
choses qu'ils y trouveront.
Merci et à bientôt. Amokrane.

Écrit par : Azzar | 06/09/2010

Azul da yucef..

Comme toujours hélas ,nos grands hommes sont minorés pour ne pas dire ignorés.
Heureusement qu'il y a comme toujours une minorité AGISSANTE pour sauver l'honneur.
Il est vrai que sans état kabyle pour s'organiser et moyens de communication additionnés à l'opportunisme ,ce genre de lumière et vite éteinte .L'ombre sied mieux aux affairistes fort nombreux.

Tanemirt iw musnaw nneɣ

Écrit par : AWDIA | 14/09/2013

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