07/09/2009
Au fil des jours … (Mohamed ARABDIOU) début
″C’est à la fin du 19ème siècle que mon grand-père paternel décida de quitter définitivement sa Kabylie natale pour émigrer vers la Mitidja. Il s’installa dans un bourg au style typiquement colonial portant le nom de Boufarik, lieu du marché hebdomadaire ou, depuis des lustres, les hommes des tribus de la région, se rencontraient avec les marchands, pour des échanges et s’informer.
Les Européens vivaient dans leurs quartiers composés de bâtiments modernes pour l’époque, alors que les ″Arabes″ étaient relégués dans des lotissements distincts ou ils s’entassaient comme ils pouvaient. Certains vivaient dans les gourbis en torchis composés de terre glaise, de paille et de bouse de vache. La toiture était en chaume, rarement en tuiles. D’autres mieux lotis, occupaient des chambres en dur, moyennant loyers aux logeurs. Ce fut le cas de grand-père. Généralement, c’était des pièces entourant un patio au centre duquel un puits alimentait les locataires en eau. L’éclairage se faisait à l’huile, à la bougie ou au quinquet. L’électricité n’arrivera que plus tard. Pour la cuisine et le chauffage, on utilisait le charbon de bois dans les braseros ; ce qui engendrait souvent des accidents mortels dus à l’oxyde de carbone.
Alors qu’en Kabylie, les femmes travaillaient dans les champs et parlaient naturellement avec les hommes, sans que personne ne trouve à redire, dans la Mitidja ou grand-mère dut s’adapter, elles étaient cloîtrées, ne montrant leurs visages qu’à leur époux ou à des proches. Pour sortir, elles devaient se couvrir du haïk, un voile, de type « Bouaouina » bien plus serré que celui des Algéroises.
Dans ces maisons collectives qu’immortalisa Mohamed Dib, il aurait été inconvenant pour un homme de rester dans sa chambre durant la journée, car, il obligerait les femmes autres que la sienne, à se cacher. À moins d’être sérieusement malade, même s’il n’avait rien à faire dehors, il devait prendre l’air, jusqu’à la nuit tombée.
Dés leur jeune âge, on mettait en garde les garçons, à ne pas trop fréquenter la gente féminine, sous peine de rester imberbe, privés de moustaches, symbole de virilité…..
Avant de traverser la cour, l’homme devait toussoter et dire à haute voix : « Trègue ! » ( Passage) afin que les femmes l’entendent. Celles-ci se précipitaient alors dans leur tanières, le temps que le voisin s’éclipse….
Grand-père s’appelait Araoudhéou. Nous sommes des Araoudhéouènes dont les ancêtres seraient originaires de Raoudha. Il paraît que ces Araoudhéouènes étaient des Chorfas (Marabouts) mais personne ne peut le prouver……. Le fonctionnaire français de l’état civil ne s’embrassa pas de ces considérations. Il simplifia les choses en inscrivant soigneusement à la plume sur le registre communal : ARABDIOU. Depuis, ce fut le nom que nous légua Cheikh Mohamed ARABDIOU pour l’éternité.
Estimons-nous heureux. À certains, on imposa à perpétuité, des noms grotesques, parfois infamants.
Grand-mère Smina Talaouine, dont le visage était orné de plusieurs tatouages, est de Boukelal, un village proche de l’Aach ou falcou ( le nid d’aigle) lieu de résidence de celui qui l’épousa. Tous deux dépendaient de la communauté d’Iflissen l’ebhar de la commune mixte de Mizrana à quelques encablures de Tigzirt sur mer, sur une colline surplombant Sidi Khaled El Marsa.
En Kabylie, le couple eut deux enfants qui moururent en bas âge. Grand-mère me racontera bien plus tard que, pour son deuxième enfant, elle avait travaillé dans les champs, durant toute la journée. Le moment venu, elle rentra chez elle, mis de l’ordre dans sa chambre, donna à manger aux bêtes, puis accoucha sans aucune assistance. Le lendemain, elle était debout. Comment a-t-elle coupé le cordon ombilical ? nul ne le sait…..
À propos de bêtes, il faut savoir que dans la demeure kabyle de l’époque, construite en pierres de taille, les bœufs et parfois l’âne ou le mulet logeaient dans la même salle coupée par une cloison, dotée de bouches d’aération. Cette promiscuité permettait de mieux chauffer la maison en période hivernale. Au dessus du plafond très bas de l’étable, on plaçait des espèces de grand fûts en terre mélangée de paille et de bouse de vaches( Ikoufiène) pour les provisions ( figues, lentilles, haricots secs, fèves, orges etc….).
À cette époque, des lions rodaient souvent aux alentours et l’on entendait leurs rugissements. Parfois la nuit, ils s’aventuraient jusqu’aux bergeries. L’arme principale des montagnards, c’était les torches. Il paraît que le feu dissuadait les félins.
Il y avait aussi des histoires que l’on se racontait autour du feu, dans les chaumières, durant les longues nuits hivernales, telles que l’exploit de cet homme téméraire qui, lors d’un voyage vers un marché lointain, se retrouva face à face avec un lion à la superbe crinière… Sans broncher, le courageux personnage fixa l’animal des yeux et …. ce fut la bête qui détourna le regard, avant de s’en aller tranquillement à la grande surprise et le soulagement du voyageur.
L’autre légende plus cocasse, concerne cette femme d’âge mur, qui sortit la nuit, faire ses besoins en pleine nature, en ne se rendant pas compte qu’elle avait posé son postérieur sur une hyène endormie. Surprise, la bête détala brusquement, emportant sur son dos la malheureuse que l’on ne revit plus jamais.″
…
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Commentaires
Merci pour votre billet, je découvre votre blog et je tiens à vous remercier pour la qualité de vos écrits
Écrit par : Inconnu | 01/06/2010
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