11/03/2010
Le refus du musée (Dahbia ABROUS) extraits
Le refus du musée, avant-projets de Magister en Langue et Culture Amazigh (1991-1998) par Dahbia ABROUS
Quels sont les questionnements formulés dans le champ berbère après son intégration comme champ scientifique par l'université algérienne et quelle analyse en faire ? Tel est le propos de mon intervention. L'intégration du berbère à l'université a constitué une véritable levée de tabou. Elle s'est concrétisée par l'ouverture de deux « Départements de langue et de Culture Amazigh » : l'un à Tizi Ouzou en 1990 et l'autre à Béjaïa en 1991. Il est possible de parler de « levée de tabou » car, jusqu'en 1990, les études berbères étaient exclues de l'université algérienne. Cette exclusion était elle-même dictée par le refoulement de la dimension berbère dans le discours officiel algérien. À la différence des départements d'Anglais, d'Arabe et de Français qui sont essentiellement des départements de Langue et de Lettres, ces deux nouveaux départements portent dans leur dénomination la mention « Langue et Culture Amazigh ». Outre les enseignements de Langue et Littérature, leur cursus contient des enseignements d'histoire et de socio-anthropologie. L'introduction de cette dernière discipline est en soi une nouveauté car, depuis les années 1970, ni l'ethnologie ni l'anthropologie — considérées comme des sciences coloniales — n'avaient droit de cité dans l'université algérienne.
Le cursus proposé par ces deux départements universitaires au moment de leur ouverture était un cursus de Magister (représentant la première étape dans la formation doctorale, et équivalant au Diplôme d'Études Approfondies — DEA — délivré par l'université française). L'accès à ce cursus est soumis à un concours pour lequel les candidats étaient tenus de présenter un avant-projet de recherche dans l'une des options suivantes : Civilisation, Linguistique, Littérature, le choix des thèmes relevant de leur entière initiative.
Ces avant-projets « spontanés » (leur thématique n'a pas été proposée et ils n'étaient pas encore construits sur le plan scientifique) traduisent des interrogations qui traversent à l'état diffus la société sur la situation et le devenir de la culture berbère, d'où l'intérêt de leur analyse. Pour être exhaustive, une telle analyse devrait tenir compte de la totalité des avant-projets présentés dans les départements des deux universités de Tizi-Ouzou et de Béjaïa. Dans ce travail a été dépouillé et analysé un échantillon de 44 avant-projets, représentant ceux des candidats admis aux quatre premières promotions de Magister entre 1991 et 1998 à l'université de Béjaïa. Ont été également analysées les demandes d'inscription qui accompagnaient ces avant-projets.
L'analyse de la thématique de ces avant-projets et l'étude des options dans lesquelles ils s'inscrivent indique un lien étroit avec le contexte social dans lequel ils ont été élaborés, en particulier avec la manière dont se posait la question berbère en Algérie.
Ce sont les options « Civilisation » et « Linguistique » (avec dix-huit avant-projets pour chacune) qui dominent, suivies de loin par l'option « Littérature ». En linguistique, les avant-projets comportent quelques thèmes classiques (ex : « Le verbe entre le temps et l'aspect », la formation du pluriel en berbère »). On y note aussi quelques travaux de collecte lexicale (ex : « Complément au dictionnaire de J.-M. Dallez ») et surtout des thèmes liés à la profonde dynamique qui, depuis quelques décennies, traverse le kabyle (ex : « Règles de transcription de la langue berbère », « La néologie en tamazight »). En littérature, les avant-projets sont orientés vers des objectifs de collecte (poésie, proverbes, contes) et vers l'analyse de la production littéraire moderne (romans, théâtre) ; quant aux avant-projets de civilisation, ils sont centrés sur le passé lointain, en particulier sur la Préhistoire et l'Antiquité (ex : « Essai sur la classification des monuments mégalithiques de la Berbérie protohistorique », « L'agriculture numide : les efforts de Massinissa ») et sur la revendication identitaire (ex : « Le mouvement amazigh en Algérie entre 1980 et 1995 »). L'option civilisation comporte aussi d'autres thèmes : « assemblée villageoise », « laïcité », « monographie de tribu », etc. …
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D'autre part, aussi bien pour la littérature que pour la langue, ces avant-projets soulignent l'urgence des travaux de collecte, ces travaux sont perçus comme une nécessité vitale : « une véritable course contre la montre, contre la mort » (1ère Promotion, Avant-projet, p. 2). Cette collecte, non destinée au musée, est présentée comme une « tâche essentielle » qui doit assurer la permanence : « sauver notre langue de l'oubli qui la menaçait, l'écrire et l'utiliser pour qu'elle devienne un support solide et permanent susceptible de transmettre aux générations futures toutes les manifestations de notre personnalité » (4ème Promotion, Avant-projet, Avant-propos).
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Face au discours officiel en matière d'identité nationale, discours dont tous les programmes du système éducatif portent l'empreinte, ces avant-projets - en raison de la diversification de leur thématique, de leur articulation avec des questions très récentes – sont porteurs d'un contre-discours : ils traduisent la dynamique d'une culture qui refuse d'être reléguée au musée.
Éditions Non-Lieu
2006
Pages 171 à 176
07:56 | Lien permanent | Commentaires (6) | Facebook
Commentaires
Je vous félicite. Albert Enstein a dit : le monde ne sera pas détruit par ceux qui font du mal mais par ceux qui regardent agir et refusent d'intervenir. J'en tien compte vu que je vous invite a aller voir les 2vidéos sur dailymotion sous la thématique rassemblement culturel des occidentaux méditerranéens. Ce n'est que le début, nous allons persevérer et je vous une fois de plus bon courage et à bientôt car il n'ya que la vérité qui triomphira.
Écrit par : kernou | 10/11/2010
don votre msn s.t.p
Écrit par : idir | 01/12/2010
tu es très forte na dahbia ad-ak mi3in rebbi tanemmirt
Écrit par : yaya | 02/01/2012
tu es très forte na dahbia ad-ak mi3in rebbi tanemmirt
Écrit par : yaya | 02/01/2012
tu es très forte na dahbia ad-ak mi3in rebbi tanemmirt
Écrit par : yaya | 02/01/2012
il me semble vous connaitre peut au lycée ou au college.En tout bon courage pour ceque vous faites.
fatiha boukaci
Écrit par : boukaci fatiha | 10/04/2013
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