Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

28/12/2010

Le Troupier Louis LATOUR (Pierre BION) 1

 

Il y avait deux ans que Louis Latour avait quitté le foyer paternel pour se donner un peu de liberté et courir à la recherche de la gloire. Il avait, après un an de service, obtenu les épaulettes de carabinier el s’était vu porté sur le tableau d’avancement.  Au mois de mai 18... c’est-à-dire vingt et un mois après son rêve de Clermont, il était...  élève caporal.

Plusieurs de mes lecteurs connaissent cette fameuse expédition qui nous ouvrit le chemin de Bougie à travers les montagnes du Jurjurah et du grand Atlas. Je veux la rappeler à leur souvenir, et, pour ne pas m’exposer à des inexactitudes, je vais laisser parler Louis Latour, qui écrivait alors à ses parents la lettre qu’on va lire.

« Mes chers parents,

« Dès que vous aurez reçu celle lettre, vous irez au plus vite offrir un cierge à Notre-Dame de Pitié.  Marie vient de me sauver la vie encore une fois. Oh! qu’elle est bonne la Mère que nous avons au ciel ! Écoutez plutôt, et unissez vos actions de grâces aux miennes.

« Le huit de ce mois (mai), nous quittions le camp de Sak-a-Mody pour nous rapprocher des Kabyles. À propos, s’il vous arrive au pays quelque soldat d’Afrique, qui vous parle de la Châtaigneraie de Sak-a-Mody, vous pourrez lui dire que c’est moi, Louis Latour, qui ai planté la pierre commémorative qui se trouve près de la route de Son-Gos-lan (Aumale). L’inscription, en français d’un côté et en arabe de l’autre, est ainsi conçue :

« Cette châtaigneraie a été établie par les soins de M. A. Mollière, colonel du 13ème régiment d’infanterie légère. Louis-Philippe, roi des français, le maréchal Bugeaud, duc d’Isly, gouverneur de l’Algérie. »

Nous étions dix mille hommes : le Papa Bugeaud commandait en personne. Vous dire ce que nous avons eu à souffrir de la chaleur serait impossible : et pourtant que de précaution de la part de notre excellent gouverneur !  Nous ne faisions que deux ou trois lieues chaque jour. À partir du 12, les Kabyles ne nous laissèrent plus dormir un seul instant ; chaque nuit c’était un roulement continuel de coups de feu échangés entre nos avant-postes et ces messieurs.  Le 13, à onze heures du soir, nous reçûmes l’ordre de nous tenir prêts à partir. Les Kabyles étaient si nombreux, leur feu était si bien nourri, ils nous serraient de si près, qu’un instant on crut que le camp allait être enlevé. À minuit, le feu cessa tout à coup, apparemment que ces diables étaient allés prendre de la nourriture et d’autres munitions. À quatre heures nous commençâmes l’ascension de l’Atlas. À six heures les zouaves, qui marchaient en tête de la colonne, arrivèrent au village des Beni-Habes, qui donne son nom à la tribu, et furent repoussés avec une grande vigueur.

Le 13ème prit alors part à la lutte. Le premier choc fut terrible : les Kabyles durent lâcher pied, mais ne furent pas vaincus. Chassés du village, ils se jetèrent dans les bois d’oliviers qui le dominent, et là nous disputèrent la victoire jusque vers les quatre heures du soir. Je dois à la vérité de dire que le 13ème, malgré la valeur héroïque de ses chefs et l’intrépide courage de ses soldats, aurait été broyé par le nombre, si les zouaves, se faufilant comme des chacals à travers les rochers, n’avaient pris l’ennemi par derrière. Il y eut là des traits de bravoure que je vous raconterai un jour ; pour le moment, je ne veux vous parler que de moi. Quand j’entendis siffler les balles à mes oreilles, quand je les sentis dans mes cheveux, dans ma capote, sous mes bras, entre mes jambes, je cherchai à les éviter en baissant la tête, en me jetant à droite ou à gauche, suivant qu’elles passaient à gauche ou à droite. Mais ce manège ne dura qu’une minute ; les anciens m’eurent bientôt guéri de cette faiblesse.

 

Quelle politesse! me disait l’un.

— Tu vas te démancher le cou, me disait un autre.

— Cache-toi sous ma moustache, criait celui-ci.

— Appelle ta maman, criait celui-là.

Le rouge me monta au visage, et je me plantai en face de l’ennemi, droit comme un piquet,

 

 

BION Pierre_Le Troupier Louis Latour_1861.jpgPierre BION

Le Troupier Louis Latour

1861

 

CHAPITRE XX

LE COURAGE FRANÇAIS ET LE COURAGE CHRÉTIEN

 

Les commentaires sont fermés.