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12/05/2008

L’ÉLU , Nouvelle inédite de Tahar DJAOUT

Lors d’un voyage en Algérie, on m’a donné 4 feuilles dactylographiées et signées : Tahar DJAOUT.

Le titre mentionné est : L’ÉLU

D’après mes recherches, cette NOUVELLE de l’écrivain assassiné il y a 15 ans est INÉDITE !

 

Voici le début :

Vert, le jour que diffuse la serrure de ma chambre. Oh ! un vert -non ce n'est pas une illusion d’optique-, un vert surnaturel comme je n'en ai jamais vu dans mon existence. La lumière est aussi verte sur mes doigts. La seule chose qui reste à déterminer, c'est si je rêve ou non. Mais tout ce que je ressens en ce moment est trop décisif pour que l'hypothèse du rêve soit admissible. D'ailleurs, j'espère ardemment que ce soit un rêve ; car je pressens qu'un évènement catastrophique va bientôt se produire dans ce monde vert.

C'est la fin du monde. Je ne sais pas pourquoi cette hypothèse que j'ai émise il y a quelques minutes pour expliquer cette atmosphère étrange commence à acquérir l'ampleur d'une vérité. J'en suis certain maintenant, c'est bien la fin du monde. Je suis peut-être le seul rescapé. J'espère qu'il y en ait d'autres. Je vais bientôt pouvoir sortir.

Étrange ; le soleil ne s'est pas éteint. D'ailleurs, d'après les astronomes, il ne s'éteindra que dans cinq milliards d'années. Et hier encore l’astre, plus éclatant que jamais, m’avait fait rêver de canicule.

Dehors la lumière est plus criarde. Dès que je sors de chez moi, je suis saisi d'une terreur ... oui ... mystique. D'où suis-je sorti, déjà ? Je ne peux le dire. Aucune ville n'existe autour de moi. Aucune bâtisse humaine. Ville ... À peine suis-je entré dans ce monde sans immeubles, j'ai déjà la nostalgie des villes. Sont-elles donc le plus cher patrimoine des hommes ? Sur cette terre légèrement bosselée où je marche avait, en effet, existé une ville. Quel est son nom déjà ? Oui, je m'en souviens maintenant. Alger. Alger qu’on aime faire suivre d'adjectifs fort poétiques et fort flatteux. Je les ai tous oubliés, hormis un seul, celui qu'on emploie d'ailleurs si souvent que le nom de la ville a failli former avec cet adjectif un nom composé. Alger la blanche. La couleur me paraît maintenant étrange, ou, du moins, sans aucun sens pratique et visuel. Alger-la-Verte, devrait-on dire. Ou plutôt Éternité-Verte, car Alger n'existe pas. Mais je ne regrette pas Alger, parce que ce monde me paraît au moins aussi intéressant ... si ce n'est cette TERREUR. Oui, comment expliquer mon appréhension pour ce monde ?

... J'ai dépassé les monticules verts et je marche maintenant dans une étendue que laboure une géométrie incertaine. Tétraèdres jaunes, entrelacs polychromes de paraboles géantes ... J'avance dans une jungle d'arabesques absurdes dont les monticules menacent à chaque pas mon équilibre. Car j'ai peur de tomber. Et qui sait quel gouffre  -Ô Éternité- dissimulent les faces chatoyantes des cités fragiles ?

Pour la première fois vient de m'apparaître la source de ces lumières torturées. Le soleil existe toujours. Mais un drôle de soleil, en vérité. Dans le ciel fait d’une vapeur jaune, trône, se mouvant en des haut-le-corps successifs, une étrange boule verte. Je comprends maintenant pourquoi prédomine dans ce monde cette chlorophylle qui me fait penser à nos immenses forêts malgré l'absence totale de végétation sur la terre dénudée.

Maintenant que je vois le soleil, je peux me fixer une trajectoire. Tels nos bédouins (de jadis) qui s'orientent suivant une étoile fixée pour traverser le long océan de sable, je me laisserai guider par la boule vaporeuse dans ce monde de  couleurs.

***

Les ténèbres qui tombent tout à coup sur mon parcours me laissent un moment ébahi. Que dois-je faire ? Rester où je suis à attendre la réapparition prochaine de la lumière (ô fragilité des entrelacs multicolores !) ou marcher au risque de rompre une branche de parabole et de choir dans les gouffres interminables de l'Éternité? …………………….

 

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