Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

13/07/2009

Vava inouva (Extrait1) de Mohamed MANKOUR


«Reeva s’empara d’un fagot fait de rameaux de vieux frêne desséchés et, tout en sanglotant, alluma le foyer de pierre. Elle jeta quelques poignées de semoule, du sel et de l’eau dans le grand plat de bois dans lequel sa mère, naguère, malaxait de bon matin, une pâte aux senteurs aigrelettes et douces nées du levain élevé, rafraîchi, choyé et couvé sous le torchon plusieurs jours durant.


Reeva se mit à pétrir avec empressement ; des larmes perlèrent et se mêlèrent à la pâte. Puis, elle façonna les galettes et les mit à cuire sur la pierre plate du foyer ardent. La chaude odeur du pain en devenir lui rappela de nouveau son enfance radieuse, passée blottie dans le giron de la mère, sous le regard bienveillant du père.


Les galettes furent enfin enveloppées d’un linge immaculé et déposées avec soin dans un nouet parmi quelques poignées de figues séchées et gorgées d’huile d’olive. Les provisions d’une main et une calebasse d’eau coiffée d’un tapon de l’autre, Reeva se mit en quête de son père.


– Où vas-tu de ce pas précipité ? demanda le gardien de chèvres. Ne sais-tu pas que ton père a été taillé en pièces par les fauves ?
– Mon père a été terrassé par la pleutrerie d’un gardien de chèvres ! répondit la jeune fille en forçant le pas et sans perdre la forêt des yeux. Troublé, la larme à l’oeil, le chevrier abandonna ses bêtes pour remonter en direction du village.
– Où vas-tu fille de chasseur écervelé ? s’enquit le charbonnier. Ne sais-tu pas que ton père a été perdu par sa vanité ?
– Que valent les paroles d’un charbonnier atteint de cécité ? rétorqua la jeune fille.

Accablé de remords, l’homme se mit à sangloter et délaissant son ouvrage, il s’en retourna le front baissé.
Bientôt de profonds fourrés annoncèrent la forêt. La jeune fille se hissa jusqu’au sommet de l’arbre le plus élancé et appela :

Oh vava inouva, mon père chéri
Entends ma complainte
Ta fille n’a su te retenir
Les ogres et les fauves se sont joué de toi
Mes cris et mes sanglots percent les cœurs de pierre

Aussitôt, la voix sans vigueur de son père lui fit écho :

Oh ma fille Reeva
Entends ma complainte
Ton père est parti tuer le lion
Les génies de la forêt l’ont châtié
Leurs murmures funestes ont eu raison du valeureux chasseur

Elle fit ainsi jusqu’à distinguer clairement les paroles de son père et enfin parvenir à la clairière où il gisait. Sans mot dire, elle tira de son ballot les quelques nourritures et les lui tendit… »

 

 

Vava inouva
MANKOUR-Mohamed_Vava-inouva.jpgL’extravagante histoire de Pois chiche
Contes kabyles
Textes et illustrations de Mohamed MANKOUR
ISBN : 978-2-296-08094-2

Les commentaires sont fermés.