16/06/2010
JEAN LAVENIR en Kabylie (PETIT Édouard+LAMY Georges)
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À mi-chemin, sur les pentes, entre des haies de cactus et de figuiers de Barbarie, des carrés de blé et d'orge, des vignes et des oliviers. Et partout sur les crêtes, le long des précipices, des villages avec des toits couverts de tuiles rouges comme en France, avec les arbres de nos vergers, poiriers, abricotiers, pruniers, figuiers, et les légumes de nos jardins potagers, artichauts, haricots, fèves, tomates.
Nous sommes ici dans le pays le plus peuplé de l’Algérie. Il y a autant d’hommes, par kilomètre carré, sur les flancs et dans les replis de ces montagnes, que dans nos départements du Nord de la France. Aussi les Kabyles, qui s’y sentent à l’étroit, utilisent-ils les moindres par celles du sol arable. Il n’y a pas un de nos paysans qui bêche, qui arrose, qui soigne avec plus d’amour son lopin de terre. Parfois leurs villages sont assis sur la pierre nue et stérile d’un promontoire rocheux accessible seulement par un sentier de mulet. Sais-tu pourquoi ? Pour que leurs pauvres demeures, sans cheminée, sans autre ouverture que la porte, où ils couchent pêle-mêle en compagnie de leurs bestiaux, n’empiètent pas sur le sol qui les nourrit.
Des murs en pierres sèches retiennent au flanc de la montagne les champs qui s’éboulent, et leurs patients propriétaires passent la moitié de leur vie à véhiculer du bas au haut de la montagne la terre végétale que la pluie et le vent entraînent sans cesse vers le fond des vallées. J’en ai vu deux hier, qui, accrochés à une corde d’une quinzaine de mètres de longueur, se laissaient glisser le long de la paroi verticale d’un précipice, jusqu’à une plate-forme verdoyante qu’ils avaient ensemencée quelques semaines plus tôt à mi-chemin de l’abîme. Suspendus au-dessus du gouffre, ils allaient, venaient, vaquaient à leur besogne, aussi à l’aise dans ce nid d’aigle qu’un de nos paysans dans son enclos. …
PETIT Édouard et LAMY Georges
JEAN LAVENIR
Livre de lecture C.M.
1904
Pages 300 à 302
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