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24/04/2007

Dis-leur (LOUNIS AIT MENGUELLET) extraits

À ceux que le vent a emportés

Le vent de panique qui a soufflé

Porte-leur mon message

Dis-leur ceci :

Dis-leur de revenir

De l’arbitraire, plus de trace

Le despotisme qu’ils ont connu jadis

L’on n’évoque même pas son nom

Les tyrans d’hier

Et tous les geôliers

Dans le droit chemin, ils sont revenus

Et ont compris leurs vraies missions

L’armée est dans les casernes

Les fusils ne sont plus que rouille

Ni tueurs, ni tués

Les tordus sont redressés

Nous sommes sortis des ténèbres

Nos infortunes sont effacées

Ceux qui ont pris le maquis

Grâce à Dieu, ils ont revenus au droit-chemin

Guidés par les bienfaiteurs

Il n’y a plus de chômeurs

Le peuple entier travaille

Nul n’est plus dans la détresse

Sur chaque visage, la paix est répandue

Le bon grain domine l’ivraie

Les récoltes débordent

Le paysan se remet à travailler sa terre

À vendre et à récolter

Et même les journaux

Ont appris à dire la vérité

Revenez, si vous ne me croyez

Vous verrez de vos propres yeux

Les fous tels que nous

Ont droit de délirer

Ce que j’ai dit n’est qu’utopie

Utopie de ceux qui rêvent toujours

Nous avons tous ici nos rêves

De l’injustice, ils ont pris racine

Si elle n’existe, ils la créent

Derrière nos malheurs, nous nous sommes murés

De ceux qui agressent et se plaignent

Si je suis contre l’injustice et la corruption

Si de l’envie je suis l’ennemi

Et si je ne dérange la quiétude des autres

Je suis mauvais

...

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 EXTRAITS DE 'INASEN"

Lisez l'intégralité

de ce texte, ô combien parlant,

sur le site FLE

12/04/2007

NOUS T'AVONS ENTERRE EN TERRE KABYLE (Rachid HAMMAD)

Lettre écrite par Rachid Hammad

publiée dans le Hors Série du Nouvel Observateur

Spécial Algérie - 10/2002

 

"Nous t’avons enterré en terre kabyle"

 

Papa, vendredi dernier - le 21 décembre -, j’ai pris en catastrophe l’avion de Lyon pour Alger. La veille, en rentrant chez nous, tard, Colette et moi, nous avions trouvé de nombreux messages sur notre répondeur, qui, tous, disaient ceci : "Rachid, maman est morte ; nous t’attendons à Alger."

Toi, papa, tu nous avais quittés en octobre 1999. Tu voulais à tout prix arriver jusqu’à l’an 2000. Mais la maladie avait eu raison de toi. Suivant tes dernières volontés, nous t’avions enterré en Kabylie (la terre de nos ancêtres à laquelle tu étais tellement attaché) dans la propriété familiale, où tu avais fait construire un tombeau avec deux places : l’une pour toi et l’autre pour maman. Maman repose donc à tes côtés à Tizi-Seghouane, commune des Ouadhias, face à la montagne du Djurdjura...

 

Dans l’avion qui me ramenait à Lyon, une semaine après, j’ai repensé à votre vie : maman, qui avait eu onze enfants et qui nous avait tous élevés. Et toi papa, petit berger de Kabylie devenu instituteur après avoir brillamment passé le concours d’entrée à l’Ecole Normale de Bouzaréah et qui avais fait en sorte que tes enfants deviennent presque tous des enseignants, comme toi. Tous les postes perdus, où tu avais enseigné, pour finir ta carrière à Aïn-Bessem, village typique de la colonisation, mais où tu avais tenu la dragée haute aux colons, et par le verbe et par la plume ? Tu militais pour l’égalité et pour l’intégration et tu avais même réussi à devenir le conseiller municipal du premier collège, ce qui, à l’époque, était exceptionnel, car les "indigènes" votant dans le deuxième collège étaient exclus de la vie politique...

 

Papa, tu nous disais : "La France est un pays de droit. Elle va imposer des réformes pour établir l’égalité avec les Français d’Algérie." Et nous, tes fils aînés, nous te disions : "Papa, jamais les pieds-noirs n’accepteront que les Algériens soient leurs égaux, si ce n’est, comme le disait Bismarck "par le fer et par le sang". Hélas, c’est à nous que l’Histoire a donné raison. "Tant de sacrifices pour l’indépendance, disais-tu dans les années 1990, pour voir maintenant les Algériens qui se tuent entre eux !" Comment va finir cette tragédie ?

 

Que vont devenir les relations entre l’Algérie et la France, ces relations que tu souhaitais exemplaires ? Comment le problème de la culture berbère va-t-il être résolu ?

 

Tu étais un grand amoureux de cette langue kabyle et de cette culture amazighe ("berbère") qui, de tout temps, ont été étouffées par le pouvoir, aussi bien avant l’indépendance qu’après.

 

Papa, maman, reposez en paix dans cette terre kabyle que vous aimiez tant. Votre fils qui vous aime tant tous les deux.

 

Rachid Hammad (Oullins)

Auteur de

« Chemins de traverses d’un instituteur kabyle :

De Adrar Amellal à Belaruc les Bains »

07/04/2007

L'Ogresse et la Princesse Clair-de-Lune (Salima AIT-MOHAMED)

      Autrefois, dans une vieille maison en pierre, vivait une pauvre veuve, mère de sept enfants. La malheureuse se retrouva sans aucune ressource financière, lorsque son époux décéda d'une longue et terrible maladie. Elle dut affronter seule les difficultés de l'existence. Pour nourrir ses enfants, elle acceptait tous les travaux qu'on lui proposait et s'acquittait de ses tâches correctement afin de récolter quelque argent... Ses fils se chargeaient de l'aider à l'extérieur, tandis que ses filles s'occupaient du foyer. La vie était bien pénible pour cette famille nombreuse. 

     Quand l'hiver approchait, la veuve avait peur que ses enfants ne meurent. de froid. Alors, à l'aide de bouts de laine recueillis ici et là, elle se mettait à tisser, tard dans la nuit, une large couverture de laine.

     Par une nuit plus fraîche que de coutume, le vent soufflait à grandes rafales alors que la pauvre femme s'usait les yeux à tisser jusqu'à une heure avancée de la nuit. Ses enfants dormaient profondément, les uns accrochés aux autres, comme s'ils avaient peur de se séparer. 

     Brusquement, la fragile porte d'entrée claqua. Apparut alors une énorme silhouette, si effrayante que la veuve recula jusqu'au mur. Horrible et repoussante, Tériel l'ogresse se tint sur le pas de la porte, fixant de son regard perçant la pauvre femme toute tremblante. Le monstre avança vers le métier à tisser et rassura la femme terrorisée : " Ne crains rien ! Laisse-moi t'aider ! " Stupéfaite et effarée, la veuve ne put prononcer un seul mot.

     Avec un acharnement démentiel, l'ogresse se mit à tisser. La peur au ventre, la veuve pensa qu'une fois la couverture achevée le monstre la dévorerait, elle et ses malheureux enfants. Mais le monstre n'en fit rien. Au contraire, dès qu'il eut fini de tisser une couverture, il en entama une autre et ceci jusqu'à l'aube. À ce moment-là, le monstre s'arrêta et sortit en lançant à la femme : " Voilà tes enfants à l'abri du grand froid ! Rassure-toi, l'hiver prochain, je reviendrai te tisser d'autres couvertures ! " 

     Il en fut ainsi durant sept ans. Au début de chaque saison hivernale, l'ogresse faisait irruption chez la veuve et lui tissait sept couvertures de laine.

     Au bout de la septième année, alors que l'aîné des enfants avait atteint dix-sept ans, Tériel réapparut un soir d'hiver, comme de coutume. Elle annonça à la veuve : " Voilà sept ans que je t'aide à protéger ta progéniture des morsures du froid. Aujourd'hui je suis revenue te demander de m'offrir ton fils aîné afin de t'acquitter de ta dette. Pour me témoigner ta gratitude, tu me le donneras, il me sera très utile. " 

     La veuve saisit enfin la fausse générosité qui avait motivé l'ogresse durant toutes ces longues années. Elle se souvint, qu'enfant, sa grand-mère lui contait d'innombrables histoires sur cet horrible monstre qui habitait on ne sait où, qui guettait des proies en difficulté et dévorait ses victimes toutes crues. Elle lui disait toujours que Tériel ne se montrait que pour annoncer un malheur. La pauvre femme réfléchit un peu et pensa que, si elle refusait à l'ogresse ce qu'elle exigeait d'elle, celle-ci se fâcherait et serait capable d'avaler toute la famille. Elle se résolut alors à sacrifier son fils aîné, qui était pourtant son préféré. Elle alla le voir et lui dit à voix basse : " Mon fils, toi la première perle de mon collier de vie, tu dois accompagner l'ogresse chez elle ! Je pense qu'elle projette de te dévorer, mais il existe un moyen pour la contrarier et la faire tomber dans l'interdit, expliqua la mère. Dès qu'elle s'apprêtera à t'emmener avec elle, empresse-toi de lui téter le sein, tu deviendras ainsi son fils et même une ogresse ne peut dévorer son enfant " Il suivit les recommandations de la veuve. Surprise et dépassé par l'événement, l'ogresse se mit en colère. et s'adressa à lui : " Petit misérable ! Tu m'as eue ! Mais je te prendrai malgré tout avec moi. "

     L'ogresse plongea le jeune homme dans son sac, le mis sur son dos et quitta la veuve bouleversée et déchirée par le départ de son fils aîné. 

     Le monstre marcha durant de longs jours sans s'arrêter. Le jeune homme, prisonnier au fond du sac, ne vit aucune lumière et ignora tout du voyage. Il arrivait à peine à respirer. De temps à autre, le monstre lui glissait un morceau de galette. Il avait soif, mais il résista du mieux qu'il le put.

     Au terme d'un mois de voyage, Tériel l'ogresse, arriva enfin chez elle, dans un pays souterrain et obscur, où l'on n'entendait que les cris des hiboux, des chacals, des ogres et autres animaux de mauvais augure. Des cris effrayants qui retentissaient comme des tonnerres stridents.

medium_AIT-MOHAMED_contes-magiques_couv.jpgSalima AÏT-MOHAMED

Contes magiques de Haute Kabylie

Éditions Autres Temps