28/08/2009
L’extravagante histoire de Pois Chiche (3) Mohamed MANKOUR
Lorsque Pois Chiche entra dans l’étable, une odeur tiède, musquée et le martèlement des sabots des bœufs, lui rappelèrent qu’il avait toujours éprouvé une affection particulière à l’égard de ces puissants animaux. Leur regard, leur respiration placides avaient le don de l’apaiser et, au grand dam de sa mère qui craignait de le voir piétiné, on pouvait le trouver les soirs d’hiver, endormi sur le cuir chaud de leur échine. En été, les renfoncements creusés par leurs sabots accumulaient une eau claire et fraîche qui le comblait sous le soleil brûlant.
Il se rapprocha des bêtes et constata, à la lumière blafarde de la lune chichement distillée par une petite lucarne, que la grande pièce abritait deux paires de bœufs ainsi que quelques moutons et chèvres. Comme autrefois, il grimpa prestement sur le dos de la bête la plus haute puis hurla à destination de ses pendables congénères :
– Nobles brigands ! augustes bandits ! en ce lieu, les richesses foisonnent tels les poux sur la tête du gueux ! Nobles brigands ! augustes bandits ! des bœufs ou des moutons, que désirez-vous emporter ?
Stupéfait, le chef tenta de chuchoter que cela importait peu et qu’il ne fallait pas hurler de la sorte sous peine d’éveiller le maître des lieux. Pois Chiche n’entendit pas les mises en garde et, de plus belle, s’évertua à réitérer son appel qui, inévitablement, tira le fermier de son sommeil.
L’homme, une chandelle à la main et son tromblon bourré d’une poignée de gros plombs, de l’autre, dévala l’escalier grossier qui menait à l’étable.
– Qui que tu sois, sors de ta cache que je te saigne comme un vulgaire mouton !
– Sois raisonnable petit père et retourne te coucher ! rétorqua Pois Chiche l’arrogant. Mes amis et moi sommes en plein travail, ne vois-tu pas que tu nous importunes !
– Je ne te vois pas mais je sais que tu n’es pas très loin ! vociféra l’homme en approchant sa chandelle des bœufs.
Pois Chiche l’effronté vit la chandelle se rapprocher et se réfugia aussitôt dans l’oreille de l’animal qui le portait. Lorsque la chaleur et l’odeur âcre du suif brûlé vinrent agacer ses sens, davantage par colère que par peur, il lança vertement en direction de l’homme : « Prends garde stupide créature tu es sur le point de me brûler les moustaches ! »…
Vava inouva
L’extravagante histoire de Pois chiche
Contes kabyles
Textes et illustrations de Mohamed MANKOUR
ISBN : 978-2-296-08094-2
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