05/08/2011
L’Avenir de la Kabylie (Jules LIOREL ) 2
L'AVENIR DE LA KABYLIE
DIXIÈME ET DERNIER LIVRE
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Il va sans dire que l'enseignement français doit être approprié suivant la condition sociale et les préoccupations d'avenir de l'enfant. Avec notre véritable entêtement à vouloir l'uniformité dans notre administration bureaucratique, quels que soient d'ailleurs les centres, où elle s'exerce et le caractère de ceux qu'elle régit, nous avons voulu que le petit paysan kabyle apprenne ce que l'on enseigne au paysan français. Aussi est-ce avec un sourire que nous lisons des récits, tels que le suivant, relaté dans le journal des Débats du 7 mai, et reproduit dans l'ouvrage, précité, Arabes et Kabyles auquel nous l'empruntons. « Un de nos amis, M. Franck Chauveau, sénateur et secrétaire de la commission d'études de l'Algérie, lequel a été, au printemps dernier, faire un voyage dans notre Colonie, racontait dans une interview publiée dans le Journal des Débats du 7 mai que, visitant une école, d'ailleurs très bien tenue, il avait demandé au maître quelles étaient les connaissances historiques de ses élèves.
- Oh ! lui répondit modestement celui-ci, ils n'en sont encore qu'à l'histoire de Charles VI ! Avant d'en arriver là, ajoute M. Chauveau, on avait évidemment appris aux jeunes Arabes, toute l'histoire des Mérovingiens, y compris les mésaventures de Childéric et de Frédégonde. Voilà qui devait singulièrement les intéresser ».
Et l'auteur ajoute : « Ils n'échappent pas non plus, très certainement, à la nomenclature de tous nos chefs-lieux d'arrondissements. Il est si utile à un jeune homme Kabyle de Fort-National de savoir que Hazebrouck est situé dans le département du Nord, et que Brive-la-Gaillarde fait le plus bel ornement de la Corrèze !... Il faudrait donc avant tout faire table rase de tous ces programmes métropolitains ; composer pour nos élèves kabyles des livres appropriés à leurs besoins et à leurs aptitudes ; cesser par exemple, de les obliger à savoir ce que c'est que la pragmatique sanction de Saint-Louis, mais leur raconter la croisade de ce roi contre Tunis, alors occupée par les ennemis de leurs ancêtres ; ne pas leur faire apprendre par le menu les détails de la querelle de François 1er et de Charles Quint, mais leur montrer ce dernier attaquant leur pays à Alger, à Oran, tandis que le roi de France inaugurait, avec la Porte Ottomane, une politique amicale qui aboutit aux capitulations, et qui fait encore aujourd'hui de la France la plus vieille alliée du Sultan. En un mot, leur enseigner les annales de leur pays depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos jours, ce qui leur fera voir naturellement que les Arabes étaient leurs oppresseurs et que nous sommes encore les plus généreux et les plus forts de leurs conquérants : telle doit être la base de notre enseignement historique. À propos de géographie, leur montrer la France grande dans le monde par ses Colonies, surtout en Afrique ; les persuader ainsi que leur pays n'est qu'une intime partie de l'Empire Français et leur en faire conclure qu'il est parfaitement inutile de penser à nous jeter à la mer ; enfin, leur prouver que rien ne les sépare de nous, rien qu'une religion que nous sommes décidés à respecter comme nous respectons toutes les autres, aussi bien dans nos Colonies que sur notre sol métropolitain : telle est la méthode à suivre, d'une manière générale pour arriver à les rapprocher de nous en les désolidarisant des Arabes et en exploitant leur haine et leur mépris pour les nomades. »
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Hospice d'Hazebrouck
Jules LIOREL
Races berbères
Kabylie du Jurjura
Imprimerie E. JAMIN
Laval 1892
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