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30/01/2013

Prisonnier de Ben Salem (Fernand HUE) 2

Au milieu de ses réflexions, François s'endormit …

et quand il se réveilla, il était grand jour. Autour de lui, rien n'était changé : accroupis autour du feu, ses gardiens veillaient toujours.

François se souleva péniblement sur son séant et demanda en français, car il ne voulait pas que les indigènes sussent qu'il parlait arabe, de desserrer un peu ses liens. Après bien des hésitations, les Kabyles y consentirent. L'enfant put se lever, s'étirer, marcher, se dégourdir les jambes; mais il ne s'éloigna pas, ne voulant pas donner de soupçons à ses ennemis.

Les Kabyles s'entretenaient de l'événement de la veille et des projets de leurs chefs.

 - Les anciens tiennent conseil, dit un des soldats; il paraît que nous allons marcher sur l'Alma.

 - Oui, reprit un autre, le règne des Roumis est fini; les croyants vont les poursuivre jusqu'à la mer, et notre patrie aura reconquis son indépendance d'autrefois.

- Allah est juste, ajouta un vieux Kabyle; il protégera les armes de ses fidèles serviteurs. Depuis trop longtemps, du haut de nos montagnes, nous voyons le drapeau français flotter sur Alger; il est temps que l'étendard vert du Prophète le remplace à son tour.

 - Oui, le règne des Roumis est fini; nous cultiverons nos terres en paix, et nous ne verrons plus d'audacieux étrangers venir jusque dans nos villages prendre nos bestiaux, nos grains et nos récoltes.

 

Pendant cette conversation, François s'était rapproché des soldats, qu'il écoutait d'un air de profonde indifférence.

- Ils vont se diriger sur l'Alma, se disait-il ; je n'ai donc pas besoin de me presser de fuir ; plus j'attendrai, plus je serai près des colonnes françaises ; le tout est de ne pas éveiller les soupçons. Si je pouvais seulement faire connaître ma situation à mon père et à ma mère, je prendrais mon mal en patience ; ils doivent être dans une inquiétude mortelle.

Tout à coup, un Kabyle, monté sur une hauteur voisine, poussa un cri perçant qui retentit dans la vallée ; à ce signal, tous les hommes se levèrent, prirent les armes et, rassemblant leur part de butin, se tinrent prêts à partir.

Bientôt les Indigènes répandus dans le village et aux environs se rassemblèrent au bord de l'Oued Isser, et, sous la conduite des chefs, la troupe prit, à une allure rapide, la route opposée à celle de l'Alma.

Placé au milieu d'un groupe, les jambes débarrassées de leurs liens, mais les bras toujours attachés, François suivit ses ravisseurs. On parlait de ce brusque départ et chacun le commentait.

À un coude du chemin, au moment de disparaître derrière une haute montagne, l'enfant jeta un dernier regard sur Palestro.

 

 

HUE_Morin_1900_couv.jpgFernand HUE

 

Les Aventures de François Morin en Kabylie

 

Éditions Alcide Picard

Paris 1900

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