14/08/2015
L'enterrement (Ahmed RADJA) poème
Un vent printanier ondulait dans les champs,
les épis promettant d'abondantes moissons.
Il y aura tant de grain, du foin pour le bétail.
Il y aura, pour tout le monde, un gîte et du travail.
Au loin, sur la crête, apparaît, haut perché,
un hameau minuscule aux couleurs délavées
et plus loin, à l'orée, noyé dans la verdure,
le cimetière est là, sans haies ni sépultures.
Il a toujours vécu, attendant du hameau,
que viennent des hommes tristes l'agrandir d'un tombeau.
Il est là, effacé et pourtant très présent
en face des regards et des habitations.
Aujourd'hui encore, en cette journée d'avril,
il y a dans l’atmosphère comme un état fébrile
et, sur tous les regards, se lit la détresse
que la mort a creusée dénudant les faiblesses.
La mort, comme un chasseur, a ciblé sa proie,
l'a mise dans sa musette laissant le corps là-bas,
mutilé sur la route, gisant parmi les fleurs,
couvert d’indifférence, ignorant les malheurs.
Maintenant le corps est là, lavé et parfumé,
au milieu de la pièce, la mère à son chevet ;
elle pleure en silence en balançant son corps
et parfois marmonnant, se penchant sur le mort.
Elle lui raconte des choses par les autres ignorées ;
devant elle se déroule le film de tant d'années,
son cri en naissant, sa façon de prendre le sein ;
elle regarde, en pleurant, ce corps qui n'est plus rien.
Et quand il s'en ira, emportant le défunt,
le cortège marchera doucement sur le chemin
et, là-bas, comme de coutume, il y aura la prière
avant qu'on rende son dû à la terre nourricière.
Le poids des jours
Éditions El Amel
Tizi Ouzou
2003
07:32 | Lien permanent | Commentaires (1) | Facebook