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25/12/2006

Les poètes apatrides (Boualem RABIA)

  Hommage à Mohya

Pour que tu ne trembles plus

Main lasse des nécrologies

Pour que tu ne sanglotes plus

Plume échancrée

Désormais je dessinerai le soleil.

Quand, dans les abysses de la fin,

Tombera une énième étoile

Du firmament des apatrides,

De là-bas ou d’ici,

Affres de l’exil

Celui des hommes vrais

Qui vomissent sur la servitude

Celle des renégats

Et celle des mesquins appétits.

 

Pour que tu ne trembles plus

Plume trop endeuillée

À l’idée que la mort et l’oubli

Prennent à l’âme

Une à une nos plus brillantes étoiles.

Pour que, désormais, tu défies la solitude

La mort et l’oubli.

Désormais, plume lasse des nécrologies

Sous l’égide des Rebelles,

J’entonnerai l’hymne de la graine semée

En silence

Sur une autre nouvelle tombe.

Désormais, ma plume est écartelée :

Elle ne veut plus dire après le trépas

La bravoure des poètes exilés

Qui, de l’empyrée,

Se gaussent de nos fatras

   

Boualem RABIA

 

22/12/2006

Chemins d’exil (Mohamed Grim)

 

Je me souviens de l'aventureuse enfance :

Vrai, j'étais libre,

Heureux dans ma rivière.

Enfance de lézard,

Au bord d'un temps évanoui.

Alors dans les étés luisants

Fleurissaient les chants d’un prophète

Au jardin de son rêve.

 

Homme, vers lui, je pousse,

Ô déshérité,

Un chant de lumière

Et de fraternité

Car l'amour oublié se réveille.

Le passé, dans ces ombres, renaît :

Sa fleur, sur une bouche vermeille,

Se respire et se reconnaît.

« Me voici entré dans l'automne des pensées »

Dit un poète véridique,

Et, dans mon exil,

J’ai vu le temps, peu à peu,

Souffler la mort sur ma vie.

 

Là-bas, où chaque ombre fait peur,

Il pleut du sang et des larmes ;

On tue à chaque coin de rue

Au pays rouge de la peur.

 

La vérité se réfugie au sillon de la tombe,

Sans fleurs ni couronnes.

Chaque jour, plus intensément, le pauvre

Éprouve l'amertume et le regret

D'être toujours sans cause et sans but.

 

De solitude, mon cœur saigne des larmes.

Que m'importe le temps – la vie et l'heure –

Tant sont lourdes les absences

Au moment où l'automne agite ses feuillages.

 

Continuer à chanter pourtant !

Semant l'espérance sur nos sillages

Sans penser à la durée de nos lendemains.

 

Chemins d’exil

 

Mohamed GRIM

Éditions Les Cahiers Bleus, Troyes

2004

 

17/12/2006

Les jours infinis (MOUNSI)

Je crois que personne au village, aucune personne même dans le pays, ne pouvait s'empêcher de rêver à ce qui avait existé ici, avant tout cela. La guerre était là. Maintenant, les enfants jouaient avec des bouts de bois, ils imitaient le bruit des fusils, ou bien ils se jetaient des cailloux en se couchant par terre, comme si c'étaient des grenades. Les vieilles femmes psalmodiaient, invoquaient les noms de leurs fils qui avaient été tués. Un jour, les Français sont arrivés dans le village. Un convoi formé de six camions et de trois Jeeps s'était avancé lentement sur la route défoncée, à travers les collines arides. Dans le camion de tête, il y avait des soldats en armes. Dans leurs visages pareils à des masques de terre le regard était absent. Les camions ont stoppé sur la place. Les soldats ont regroupé la population. Ils ont séparé les hommes et les ont fait défiler devant un individu à la tête cagoulée. Tous, un par un, ont dû passer devant lui. L'homme se taisait; quelqu'un aurait pu reconnaître sa voix. Ses mains étaient gantées afin que même le doigt avec lequel il aurait dénoncé les rebelles ne soit pas reconnu.    

Nous, les enfants, avions été rassemblés avec les femmes au centre du village, gardés par des soldats, le fusil à la main. Le silence était étrange, menaçant. Nous regardions avec la peur dans les yeux. Pendant ce temps, les hommes du village avaient été conduits face à un mur. Certains des soldats leur criaient des mots durs dans leur langue.  

Ce jour-là, l'homme à la cagoule n'a désigné personne et ils sont tous repartis. Mais ils sont restés dans les environs, investissant d'autres villages, patrouillant dans les collines.  

Un jour, près de la rivière, j'ai entendu un soldat qui chantait la Claire Fontaine". J'écoutais le glissement doux de sa voix. Je ne comprenais pas la langue, mais il me semblait qu'elle exprimait une profonde tristesse, telle qu’elle avait fait monter les larmes dans mes yeux.

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Les jours infinis

Pages 56-57

MOUNSI né en Kabylie en 1951 (Akfadou ?)

Éditions de l’Aube. 2000

16/12/2006

L’Histoire à l’école de Beauprêtre (Émile CHAMPAS)

Beauprêtre* était un douar rattaché administrativement à la petite ville voisine de Dra­-el-Mizan, distante de 4 km, et qui était le siège de ce qu'on appelait en Algérie une «commune mixte». Les éléments européens y étaient peu nombreux (quelques colons, des fonctionnaires, des professions médicales), la population musulmane constituant une majorité écrasante et d'un niveau de vie médiocre. Cette commune était dirigée par un administrateur, nommé par le gouverneur général. C'était une sorte de sous-préfet de canton. Au nombre de 78 dans toute l'Algérie, ces communes mixtes englobaient 7/10 du pays en superficie. Certaines étaient immenses, mal administrées. Elles représentaient 6/10 de la population totale du pays. Des douars éloignés, perdus dans la montagne, déjà dépourvus d'école, n'avaient jamais vu de représentants de l'autorité française gendarmes, policiers. Pas de médecins non plus. Même pas un simple dispensaire.

*

L'enseignement que nous dispensions s'apparentait à celui de mes collègues métropolitains en ce qui concerne les matières de base : français, calcul, disciplines d'éveil. Le fait, pour moi de ne pas parler le kabyle, ne constituait pas un obstacle. Je me comportais exactement comme un professeur d'anglais devant de jeunes français : j 'utilisais exclusivement les mots de la langue à enseigner.

Bien sûr, il fallait quand même s'adapter (et l'Ecole Normale nous y avait préparés). Dans nos dictées, nous évitions des phrases du type de celles figurant dans le manuel d'orthographe de Bled (il s'agit de l'auteur, pas de la campagne algérienne !) «les charrettes traînées par des bœufs rentrent le foin à la ferme», ou encore «les enfants ont mis leurs sabots devant la cheminée en attendant Noël». Dans un pays musulman, africain, il fallait veiller à ce que notre enseignement ne soit pas décalé par rapport à l'environnement de nos élèves.

C'est très volontiers que ceux-ci parlaient de leur vie à la maison, contents d'apprendre à leurs maîtres ce qu'ils savaient des coutumes, des contes, des légendes de leur pays, ce qui facilitait leur apprentissage de la langue française et leur donnait plus d'aisance dans leur travail. On appellerait cela aujourd'hui des activités «interactives». Dès 1955, nous n'avions pas besoin de directives ministérielles pour les mettre en œuvre. La seule fille de ma classe, une Européenne, Véronique, descendante d'immigrés alsaciens, rapportait les témoignages de ses ancêtres, venus en Kabylie au moment de la colonisation, et obligés d'allumer chaque soir des feux pour éloigner les bêtes sauvages.

S'agissant de l'enseignement de l'histoire, l'occasion m'est donnée ici de faire une mise au point au sujet de la fameuse formule «nos ancêtres les Gaulois» qu'on a souvent reprochée aux enseignants s'adressant à leurs élèves dans l'Empire colonial français ? dans mon, école, nous utilisions un manuel qui présentait simultanément l'histoire de nos deux pays : page à gauche, la France, page de droite, l'Algérie à la même époque. Ainsi, nos élèves apprenaient que la France et l'Algérie avaient connu les mêmes envahisseurs, les Romains, et qu'il subsistait dans chaque pays, des ruines, témoins de cette civilisation qui s'était répandue dans tout le bassin méditerranéen.

On leur enseignait aussi qu'une guerrière berbère des Aurès, la KAHINA, s'était opposée à l'invasion des Arabes et qu'elle avait été tuée à la tête de ses troupes en 698, mais que ces mêmes Arabes, après avoir conquis l'Espagne, s'étaient aventurés en France où ils avaient été battus et repoussés par Charles MARTEL à Poitiers en 732.

L'année 1830 fut une date essentielle dans l'histoire commune de nos deux pays puisqu'elle a été marquée par le débarquement des troupes françaises à Sidi Ferruch, prélude à la colonisation. C'était un sujet délicat que nous essayions de traiter avec toute l'objectivité possible.

Nos ouvrages scolaires avaient été conçus indifféremment par des auteurs d'origine arabe, kabyle ou européenne. Parmi eux, on trouvait l'inspecteur Max MARCHAND ainsi que Mouloud FERAOUN, un kabyle, enseignant, écrivain célèbre qui, tout en restant fidèle à ses origines, tenait à témoigner de l'enrichissement dû à sa double culture. C'est cela que n'a pas accepté l'O.A.S. qui a massacré ces deux hommes et quatre de leurs collègues, tous membres des centres sociaux éducatifs, à El Biar, le 15 mars 1962, quatre jours avant le cessez-le-feu.

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Notre guerre

et notre vécu en Algérie

Pages 373-374

Jean-Yves JAFFRÈS

2005

 

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* En ce lieu ( proche de Dra-el-Mizan ) se situe (se situait ?) la colonne BEAUPRÊTRE, qui commémore le combat du 8 avril 1864, où périt cet officier, et par lequel débuta l'insurrection des Ouled Sidi Cheich.

 

14/12/2006

Une Bibliothèque ! Pour qui ? Pourquoi ?

Présentation de " TIMKARDHIT ", Bibliothèque virtuelle de Kabylie.

 

Jeudi 14 décembre 2006 

Zidane visite le village de ses parents et promet d’apporter sa contribution pour que tous les habitants soient approvisionnés en eau potable.

Marina et Dominique de la StarAc s’affrontent dans une célèbre chanson d’Édith Piaf : l’Hymne à l'Amour. ("Dieu réunit ceux qui s’aiment")

Une grande librairie d’Alger est transformée en magasin de chaussures.

 

 

Pour combler le vide de ma journée, je décide de créer cette Bibliothèque.

Elle sera constituée d’extraits de livres qui présentent la Kabylie,

 

Pourquoi la Kabylie me direz-vous ?

Par amour de l'Algérie où j'ai été coopérant et que j'ai appris à connaître avec Fadhma Aïth Mansour-Amrouche , Mouloud Feraoun , Rachid Mimouni. ...

 

 

J'ai déjà mis en ligne plus de 100 extraits sur MON SITE "AKKA"

C’est un travail qui demande beaucoup de temps ; aussi je me limiterai ici à la région d’Algérie que je connais le mieux : la Kabylie.

 

Et pour plus de simplicité et de convivialité, je mettrai dans cette " TIMKARDHIT " des passages de livres récemment parus (ou pas encore sur mon site), à votre disposition, vous les lecteurs bloggeurs.

 

Puissent-ils vous donner envie de lire : lire pour écrire , écrire pour se construire !

 

ERB Maleg