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27/10/2008

Aujourd’hui en Algérie (Mohamed KACIMI)

Visite à grand-père (Mohamed KACIMI)

 

Jeudi 18 novembre

 

Ma mère a voulu qu'on aille en Kabylie voir grand-père. Toute ma famille a pris le bus jusqu'à la gare routière. C'est un spectacle fascinant : des centaines de cars avec des chauffeurs qui crient toutes les destinations du pays et le nombre de places qui leur restent : «Bougie 5 places. Bou Saâda 3 places. Oran 4 places. Constantine 2 places. Ghardaïa 4 places. Tiaret 2 places.» Nous avons trouvé un taxi collectif pour Tichy, la perle de la Petite Kabylie, selon ma mère.

 

Nous avons pris la route de Tizi Ouzou. Nous sommes passés par les montagnes de la Grande Kabylie avant d'atteindre Bougie, puis Tichy. Grand-père Mokrane nous attendait à la station des taxis. Il portait un costume gris, une cravate rouge et un béret bleu. Il m'a soulevé comme un jouet. J'ai mon visage contre le sien. Je suis fasciné par sa grande moustache poivre et sel et ses yeux d'un vert pareil aux amandes que l'on cueille au printemps. Il vient d'avoir 72 ans. Je crie:

- Quelle force, grand-père!

Il me répond en français:

- Ça c'est de la force kabyle, je me nourris juste d'huile d'olive et de figues sèches.

Grand-père a travaillé très longtemps en France. Il a construit une grande maison en haut de Tichy. J'avais lu sur les murs de la ville plusieurs fois des inscriptions en berbère et en français qui disaient ceci «Autonomie pour la Kabylie», «Kabylie libre». J'ai posé la question à grand-père. Il a longuement lissé sa moustache avant de me répondre:

- C'est un peu compliqué pour ton âge.

 

 

Le soir, grand-mère nous a préparé des crêpes kabyles. Je me suis régalé. Alia et Riad n'étaient pas contents. Ils maugréaient dans leur coin:

- La Kabylie, c'est un truc de paysan. Il n'y a rien à y voir.

 

 

Les Kabyles

La Kabylie est une région montagneuse. La plupart des immigrés algériens en France sont originaires de cette région pauvre où l'élevage et la culture des oliviers sont la seule ressource.

 

Les femmes kabyles partagent leur vie entre le foyer et les champs.

La cueillette des olives, entre septembre et octobre, représente pour elles le principal événement de l'année.

 

Beaucoup de Kabyles militent pour que l'Etat algérien reconnaisse leur identité et leur culture. Ils demandent par exemple que la langue berbère soit enseignée dans toutes les écoles du pays.

 

KACIMI-Mohamed_Aujourdhui-en-Algerie.jpgAujourd’hui en Algérie

Yanis, Alger

 

Pages 22-23

 

GALLIMARD-JEUNESSE

Collection : LE JOURNAL D’UN ENFANT

(raconté par Mohamed KACIMI)

 

 

 

 

 

21/10/2008

Livret de Colonisation (Joseph CHAILLEY-BERT)

26 Kabyles et Arabes. (Élève, p. 16)

 

Sommaire. 1 - La population indigène de l’Algérie n’est pas homogène. - 2- Une race autochtone et plusieurs races conquérantes. - 3 - Arabes et Kabyles.

 

Développement.

 

 

1 Celui qui parcourt l’Algérie s'aperçoit bientôt que les habitants indigènes qu’ il rencontre n'ont tous pas tous les mêmes habitudes, ne mènent pas tous la même vie. Dans une même province, dans la province de Constantine, par exemple, s'il arrive par mer, il voit d'abord des villages nombreux bâtis au flanc des monts, et une population laborieuse et dense; puis, à mesure qu'il s'éloigne de la mer, il rencontre, dans la plaine, une population plus clairsemée et des villages plus rares. Les habitants eux-mêmes diffèrent entre eux autant que les régions: les premiers sont des Berbères ou Kabyles, les seconds des Arabes.

 

 

2 – Beaucoup de races ont traversé l’Algérie et y ont laissé des traces. Il y a eu d’abord les premiers habitants, qu'on appelait les Berbères. Puis sont venus les conquérants romains; puis, à la chute de l’empire romain, les conquérants barbares : Lombards et Wisigoths; puis enfin, sous la conduite des héritiers de Mahomet, les Arabes.

 

 

3 – Les premiers habitants, les Berbères effrayés par tant d'invasions, ont fui par se réfugier dans les montagnes de la Kabylie où les Arabes ne les ont pas poursuivis. Pendant des siècles, la montagne a été aux Berbères ou comme on les appelle, aux Kabyles, et la plaine aux Arabes. Il y a bien  quelques Arabes  dans la montagne et quelques Berbères dans la plaine; mais c'est l'exception. Le Kabyle a un champ à lui, sa maison à lui et vit dans sa famille. L'Arabe vit dans la tribu; sa maison n’est souvent n'est qu'une tente, et les champs qu'il cultive sont ceux de la tribu.

 

Les mêmes règles de gouvernement et d'administration ne sauraient convenir aux Kabyles et aux Arabes.

 

DUPUY-Charles_livret-de-colonisation.jpgLivret de Colonisation

Par M Joseph CHAILLEY-BERT

Sous la direction de Charles DUPUY

Opuscule du Maître

Développement des sujets de rédaction

 

Armand COLIN et Cie

Paris , 1896

 

Pages 26-27

09/10/2008

Les fiancées du cap Ténès (Vénus KHOURY-GHATA)

 

Blanche, qui vient de remettre pied sur terre, s'inquiète du sort de l'équipage.

- Que sont devenus les marins ?

- Tués par les Bani Haoua, l'informe la religieuse. Quelques-uns ont réussi à fuir.

- Et les femmes ?

- Réparties entre les hommes comme un vulgaire butin de guerre.

- La marquise aussi ?

Mère Jeanne hoche la tête en serrant ses paupières pour retenir ses larmes.

Un nuage noir traverse le regard de la rescapée. Sa phrase tombe aussi raide qu'un couperet:

- Je les vengerai jusqu'au dernier. Les Bani Haoua mourront de mes mains... De plaisir, ajoute-t-elle le regard au loin.

Mère Jeanne baisse les yeux, gênée.

- Parce que vous ne me croyez pas ? insiste le curieux personnage.

Blanche n'aime pas l'air méfiant de la religieuse, ni celui suspicieux du chevrier. D'un geste preste de la main, elle dégrafe sa veste. Deux seins ronds sursautent comme deux pigeons effrayés.

- Vous voulez voir le reste ?

Mouloud fait oui de la tête. Mère Jeanne la supplie de ne rien faire. Elle la croit sur parole. Mais Blanche a déjà tiré sur le cordon de son froc.

- Arrête, hurle la religieuse.

- Vous n'avez pas tout vu, proteste le faux mousse. Le plus important est en bas.

La dague qui a ouvert la chair sur le haut de sa cuisse a pénétré jusqu'aux os. Le sable a joué le rôle de cicatrisant mais d'infectant aussi. La jambe, d'une couleur violacée, a doublé de volume.

- Pouvez-vous me soigner, dit-elle d'une voix suppliante. Ma mère vous en serait si reconnaissante.

- Qu'attendez-vous pour aller me chercher de quoi panser cette plaie, lance Mère Jeanne à Mou­loud d'une voix affolée.

Le chevrier arrache un morceau à son burnous et le lui tend.

- Je veux des plantes, malheureux, avec quoi vous autres Kabyles désinfectez-vous les blessures ?

- Avec de la joubarbe. Je sais où en trouver.

Il se précipite vers l'oued. Le bien et le mal se croisent autour des points d'eau, lieux de prédilection des âmes végétatives. Leur souffle fait pousser les plantes destinées à guérir les vivants. Il faut savoir distinguer les bénéfiques des maléfiques, cueillir les premières en balbutiant une prière, et cracher dans le sens du vent en passant devant les autres.

Mouloud repère très vite la touffe de joubarbe. Les feuilles sont tendres en cette saison. il les cueille en invoquant le nom d'Allah. Il est convaincu qu'une deuxième vie attend le garçon devenu fille grâce à lui. Sinon comment expliquer qu'il soit le seul survivant du massacre. Benjamin, répète-t-il sans grande conviction. Il cherche un autre nom qui irait mieux avec la blondeur de la rescapée. Un nom aussi blanc, aussi rond que les seins qui ont fusé de la veste déboutonnée.

- Laouza, balbutie-t-il entre ses lèvres. Laouza, lance-t-il d'une voix tonitruante, et il se met à courir vers sa masure.

- Tu t'appelles désormais Laouza, c'est-à-dire Amande, annonce-t-il à la jeune fille. Un fruit doux frais qui étanche la soif mais vous laisse en même temps sur votre faim.

Laouza-Amande accepte avec grâce ce troisième nom. Le chevrier, elle en est certaine, sera son meilleur allié.

 

Deux semaines après, Laouza, qui a appris quelques rudiments de la langue arabe et dont la blessure a cicatrisé, entreprend d'une voix mielleuse l'interrogatoire de Mouloud:

- Qui a tué mes camarades?

- Les gens de la montagne. Les Cabaïles. Ceux de Mokrane ont aidé.

- Y a-t-il d'autres rescapés que Mère Jeanne et moi ?

- Il y a la marquise. Marie est partie chez un cultivateur du Rif. La petite fille va épouser le fils de l'émir du ksar.

- Et les hommes ? Ils sont tous morts ?

- La moitié seulement. L'autre moitié s'est enfuie vers l'est. Vers Oran.

- La France n'est pas intervenue? Personne n’a demandé de nos nouvelles ?

- Pas encore.

- Pourquoi Mère Jeanne évite-t-elle de parler ce sujet? « Prie », me dit-elle chaque fois que je pose une question.

- Parce qu'il ne sert à rien de se noircir le sang. Allah, qui creuse les brèches, saura les colmater, dit le proverbe. Les morts seront vengés. Tu témoigneras pour eux. Tu es leur messager. Laouza réprime un frisson. Tant de sagesse dans la bouche d'un chevrier la trouble profondément.

- Oui ! Je défendrai leur cause répète-t-elle après lui.

 

KHOURY-GHATA-Venus_Les-fiancees-du-Cap-Tenes.jpgVénus KHOURY-GHATA

Les fiancées du cap Ténès

 

Éditions Jean-Claude Lattès

1995

 

Pages 54 à 57