Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

27/05/2009

Mon école de Beauprêtre (Émile CHAMPAS) 1

 

 

Préliminaire - Après avoir été maître d'internat au Lycée de Saint Brieuc, Emile CHAMPAS a signé un contrat de 5 ans avec l'Education Nationale pour aller enseigner en Algérie dans le cadre du plan d'alphabétisation destiné aux régions les plus déshéritées, et notamment la Kabylie.

Puis, après une année de formation à l'Ecole Normale d'Alger-Bouzaréa en 1954-1955, il va rejoindre dans le bled kabyle l'école à laquelle il a été affecté. Nous sommes fin septembre 1955. Cela fait un an déjà que la rébellion a éclaté en Algérie. Par la suite, Emile CHAMPAS résiliera son sursis et accomplira ses 28 mois de service militaire, au cours desquels il retrouvera la Kabylie, ayant troqué son uniforme d'enseignant contre celui du combattant.

Au moment de son incorporation, il possédait donc déjà une certaine connaissance des réalités algériennes.

 

 

″L'heure de la rentrée scolaire 1955 approchait. Le grand moment était enfin arrivé. À la veille de rejoindre mon poste, j'ai jeté un regard en arrière sur les 12 mois que je venais de vivre. Il était déjà bien loin le temps de mes lycéens de Saint Brieuc. Je ne savais pas comment allait se passer ma rencontre avec cette Kabylie inconnue. Néanmoins, je me sentais confiant, rassuré par cette année d'Ecole Normale où nous avions été remarquablement formés, soutenus, encouragés. Mes voyages m'avaient permis de découvrir des régions diverses en Algérie. Grâce à ma colonie de vacances, j'avais pu vivre de très près pendant 2 mois avec des élèves semblables à ceux que j'allais connaître dans mon école. Mes malheureux collègues M. et Mme MONNEROT, agressés dès leur arrivée en Algérie, n'ont pas eu la chance de bénéficier d'une telle préparation. Ils ont été d'emblée confrontés aux réalités du bled algérien.

 

Mon voyage commença à Alger où j'enfourchai ma moto en emportant quelques bagages, après avoir laissé ma cantine métallique à la gare routière où un autocar devait en prendre livraison.

Me voilà donc parti en direction de l'Est, vers la Kabylie. Au début, la route était plate, bien dégagée, tracée à peu de distance de la mer. Je traversai Hussein-Dey, Maison Carrée (en laissant sur ma droite l'aéroport de Maison-Blanche), Rouiba, Alma et, au bout de 45 km, parvins à Ménerville, bâtie dans un paysage de collines, à 150 m. d'altitude. Au bout de 7 km, à Isserville-les Issers, je quittai la Nationale qui menait à Tizi-Ouzou pour bifurquer vers le Sud. Aussitôt, le paysage changea. La route devint étroite, tout en restant goudronnée. A mesure que je grimpais, les virages devenaient de plus en plus nombreux et serrés.

C'est à partir de ce moment-là que je pris davantage conscience que le pays était «en guerre», même si les textes officiels se refusaient à employer ce terme, préférant celui de «opérations de maintien de l'ordre», contre des rebelles qu'on qualifiait alors de «hors-la-loi» (H.L.L.). Il me suffisait d'ouvrir les yeux : de temps en temps, je croisais un G.M.C. (un camion militaire) bourré de soldats. De temps à autre, j'apercevais des guitounes accrochées aux flancs des collines, un mirador dressé près d'un pont, d'une voie ferrée, d'une ferme isolée.

 

Ma vaillante moto continuait à grimper. Pas de trace d'habitations pendant 17 km jus­qu'au moment où j'atteignis le village de Chabet-el Ameur (260 m d'altitude). Au-delà, la route, toujours aussi sinueuse, traversait un paysage de plus en plus sauvage et boisé, 14 km encore et je parvins à Tizi-Réniff (382 m). Il me restait encore 6 km pour rejoindre Beauprêtre et mon école, à 750 m d'altitude.

Je venais donc de parcourir cette fameuse départementale N° 18. Des militaires ayant crapahuté dans le coin m'ont déclaré par la suite qu'ils ne se seraient jamais engagés en un tel endroit sans s'assurer d'une protection importante, avec suffisamment d'hommes, de véhicules blindés et d'armes automatiques. Il faut préciser que nous n'étions pas loin de Palestro, ville de sinistre réputation dès le début de la conquête, de ses fameuses gorges, dans un paysage tourmenté, austère, inhabité, où évoluaient des commandos rebelles, déjà bien structurés à l'époque.

 

Voilà donc l'endroit où je vais vivre pendant toute une année scolaire. Ce douar se présente sous la forme de petites maisons basses séparées par des ruelles étroites, avec une voie centrale un peu plus large. Certaines habitations semblent correctement entretenues, d'autres, plus modestes, sont plutôt des masures. Il faut préciser que nous nous trouvons dans une région, certes, très différente de la riche plaine de la Mitidja, mais qui n'est cependant pas la plus déshéritée d'Algérie. Plus tard, quand j'aurai revêtu l'uniforme et que les hasards de la vie militaire m'auront fait revenir dans cette même Kabylie avec, évidemment d'autres activités, il m'arrivera de traverser des douars perchés sur leurs pitons et n'ayant d'autres voies d'accès que des pistes muletières. Nous avions alors affaire à une population quasiment illettrée et d'un niveau de vie misérable.

 

À Beauprêtre, les maisons sont implantées sur la pente d'une colline. Au-dessus d'elles, dernière construction, légèrement isolée, avant une zone boisée et inhabitée, se trouve l'école, facilement reconnaissable avec sa façade blanche. C'est un bâtiment qui comporte une partie ancienne contre laquelle on a construit une annexe avec un 2e logement. Cette adjonction faisait partie du plan de scolarisation en cours depuis plusieurs années dans toute la Kabylie.

C'est une école à deux classes avec un directeur déjà en place et dont je vais être l'adjoint. A la rentrée scolaire suivante, il quittera son poste, ayant été muté sur sa demande à Alger dont il est originaire. L'inspection Académique me nommera alors directeur à sa suite et désignera un jeune adjoint pour me seconder.″

 

 

Émile CHAMPAS

Extrait de ″J’étais instituteur en Algérie″ : témoignage

 

dans ″Notre guerre et notre vécu en Algérie″

de Jean-Yves JAFFRÈS

Livre 3 - 2005

 

Oued-Isser_ph-Belkacemi.jpg
Oued Isser

Commentaires

tous les anciens du village vous reconnaissent il ya meme une famille qui reste attachée à vous

Écrit par : ahmed | 24/05/2010

Les commentaires sont fermés.