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17/11/2011

De Tagmount-Azouz à Taourirt-Abdallah (E. LAYER) 2

 

TAGMOUNT-AZOUZ * (BENI-AÏSSI)

TAOURIRT-ABDALLAH ** (BENI-OUADHIA)

 

Au départ, la route pour gagner Taourirt-Abdallah atteste, à la traverse d’un proche village, l’insuffisance de la voirie. Il faut quitter le chemin, s’engager clans un étroit sentier où deux mulets ne sauraient se croiser; on doit éviter un passage infranchissable, un rapide sans eau, pourrait-on dire, en un mot un chaos de pierres dégradées par les torrents que précipitent, de temps à autre, au flanc des monts et parmi les vaux, les pluies trop rares et par contre trop violentes que ménage un climat capricieux.

Le mauvais pas franchi, on s’engageait sur le versant d’un vallon délicieusement boisé ; des allées, tracées comme clans un parc, déroulaient leurs multiples lacets sur une pente s’abaissant avec la déclivité d’un angle trop aigu.

Au pied du massif s’écoulait un oued dont l’eau limpide laissait voir un fond de galets polis à souhait par le cours hâtif des eaux. Quelques moments furent donnés à contempler dans ses aspects divers le superbe vallon. La lumière et l’ombre se disputant le soin de le mettre en beauté, se jouaient tour à tour sur la verdure printanière.  De ci de là des restes de brumes matinales demeuraient arrêtés au pied d’un contour auquel les avait adossés la brise.

Après avoir d’un côté aspiré à descendre il fallait de l’autre remonter au faîte et pour cela tout d’abord franchir l’oued à gué. La chose se fit sans autre incident que l’arrêt injustifié, suivant le touriste, de sa monture au beau milieu du courant.  Le mulet d’ailleurs se rendit, sans marquer d’entêtement, à l’invitation d’avancer que lui avait adressée, sans brutalité, mais de façon péremptoire, le guide kabyle.

Pendant les lenteurs de la montée, ce guide engagea la conversation et, fait à noter, de même qu’un grand nombre d’indigènes, ce Kabyle parlait fort bien le français. Les Pères Blancs ont été des premiers à propager notre langue» chez les montagnards. L’entretien avait un but intéressé ; comme beaucoup de ses compatriotes Mohammed désirait aller en France pour gagner de l’argent car, ajoutait-il, quand on a de l’argent, on a l’intérêt, Or, avec les us et coutumes du pays le capital est très productif ; un prêteur recommandable, modéré clans ses prétentions, se contente de vingt-cinq pour cent l’an. Or, bien qu’il semble ironique de parler d’honnêteté pour des prêts consentis à pareilles conditions, il paraît que le taux qui vient d’être indiqué se justifie par ce fait que les propriétés données en garantie étant de minime valeur, il arrive qu’en cas d’exécution judiciaire les frais dépassent souvent la valeur du gage.

Pour en revenir à notre Kabyle, « prends-moi pour ton domestique », et sur le refus qui lui était opposé il insistait ajoutant : « Toi, tu es riche, tu as de l’argent ». Il était clair que dans sa pensée d’humble terrien un homme qui venait se promener dans les montagnes avait de l’argent à perdre.  Pourtant cet indigène aimait sa montagne et, s’il s’en éloignait, à l’exemple de ses deux frères, ce serait pour amasser un pécule, fût-ce aux Antipodes, et revenir prendre son logis sur une des crêtes du pays natal.

Le versant gravi, on quittait les bosquets, on traversait un plateau couvert de champs d’orge.  Puis c’était un chemin tracé à flanc de coteau, surmonté à droite par un village indigène, surplombant à gauche un panorama s’étendant jusqu’au Djurjura. Après quelques minutes, on arrivait à la Mission des Ouadhias ; l’aspect extérieur des constructions rappelait les autres stations. 

Beni Berjel (Ouadhias)_cp_GéLamBre.jpg

L’heure de l’arrivée des voyageurs était précisément celle de la sortie des classes, une centaine d’enfants se précipitaient joyeusement au dehors.  En apercevant l’étranger, un vieillard à barbe blanche, cette niasse scolaire se précipita vers lui d’un élan unanime. C’était une bousculade, chacun voulant, pour manifester son respect au vénérable vieillard, saisir sa main, y poser ses lèvres avant les camarades. Les plus petits, et ceux-là étaient tout petits, étaient plus empressés, disons plus indiscrets encore que les autres. 

Enfin, les Pères accourus purent remettre de l’ordre dans ce désordre et faire à leur hôte d’un jour l’accueil accordé à un ami attendu, et cela grâce à leurs excellents confrères. 

Aux Beni-Ouadhia on est au centre à la fois d’un groupement de villages kabyles tout à fait rapprochés les uns des autres et au centre en même temps d’une jeune et florissante chrétienté. Outre des familles entièrement chrétiennes, on trouve des néophytes dans beaucoup de maisons, et ces convertis, comme aux origines de l’Eglise, exercent une action de prosélytisme actif et charitable, guidés qu’ils sont par la sagesse des Pères. Il conviendrait de remarquer que, s’il suffit pour devenir musulman de prendre un burnous, une chéchia et de prononcer une formule, il n’en est pas de même pour faire profession de foi chrétienne. Dans une maison le Père s’informait de l’état d’instruction d’une grand’mère aspirant au baptême.

 

* TAGUEMOUNT-AZOUZ

** TAOURIT-ABDALLAH dans le texte

 

Ernest LAYER

PAR MONTS ET PAR VAUX

 

Poésies populaires Kabyles

 

1913

 

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