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15/04/2012

La main de Nouara (Fatima KERROUCHE) 2

Mais lorsque Nouara demandait qui était la fiancée d'Urthilan, la mère se taisait.

 

Quand le trousseau fut prêt, elle dit à sa fille :

-   Prends cette terre d'argile et va enduire les murs de la chambre de ton frère.

Pendant que Nouara pétrissait la pâte blanche, une hirondelle vint à passer:

-   Si tu me donnes un peu d'argile pour mon nid, je te dirai qui ton frère va épouser.

-   Et que m'importe de savoir qui mon frère épouse ? Il va se marier et cela me suffit.

 

Quand la chambre fut prête, la mère demanda à sa fille de trier du blé. Nouara prit le plat en osier, une corneille traversa le ciel en croassant :

-   Quelques grains de blé pour mes petits et je te dirai qui est la fiancée de ton frère.

-   Passe ton chemin, dit Nouara et laisse-moi, j'ai fort à faire.

Quand le blé fut trié, elle le porta à moudre. La mère ordonna à sa fille :

-   Tiens, roule-nous du couscous pour la fête de ton frère.

Installée devant le grand plat de bois, Nouara vit s'approcher une vache nonchalante.

-   Un peu de couscous pour mon veau et je m'en vais te révéler qui ton frère doit épouser.

La jeune fille songea que ces animaux répétaient la même chose. Alors, elle jeta quelques grains à la corneille :

-   Le blé que tu tries, c'est pour tes noces, celle que ton frère veut épouser, c'est toi, dit l'oiseau.

Stupéfaite, elle ne savait pas si elle avait très bien compris. Elle vit repasser l'hirondelle et lui fit don d'un gros morceau d'argile.

-   La femme que ton frère va épouser, c'est toi, dit l'hirondelle.

Nouara prit une pleine poignée de couscous qu'elle jeta à la vache.

 

-   Tu roules le couscous de ta propre fête, Nouara, car la mariée, demain ce sera toi. Ce sera toi, ce sera toi...

Il n'y avait plus de doute. Nouara laissa là son couscous. Elle vêtit immédiatement des habits de voyage et sortit en douce de la maison. Elle marcha longtemps à travers la forêt et se réfugia dans une grotte retirée. Elle roula une énorme roche à l'entrée.

À l'annonce de sa disparition, les habitants d'Illoula Oumalou, se mirent à sa recherche. Son frère, furieux, écuma à cheval les moindres recoins de la forêt. Les parents étaient désespérés.

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Un jour, alors que le berger employé par les parents continuait de conduire chaque matin son troupeau de chèvres dans la forêt, l'une d'elle grimpa jusqu'à l'entrée d'une grotte. Elle donna de grands coups de corne dans le rocher. Le berger accourut pour ramener sa chèvre. Soudain, il entendit une voix qui sortait de la grotte :

Ouste, chèvre, va de là!
Ou la gale te dévorera.
Et va dire à mes père et mère :
Nouara dans la grotte, se terre !

Le berger éberlué, regarda autour de lui, mais ne vit personne. Le soir, il conta l'aventure à son maître qui décida de le suivre. Le lendemain, la chèvre se dirigea de nouveau vers la grotte. Elle donna de furieux coups de corne sur la roche. Aussitôt, une voix très distincte dit :

Ouste, chèvre, va de là!
Ou la gale te dévorera.
Et va dire à mes père et mère:
Nouara dans la grotte, se terre !

Le père aussitôt reconnut la voix de sa fille.

-   Nouara ma fille, où es-tu ?

J'étais ta fille, ta fille, dit Nouara.
Tu étais mon père, mon père.
Maintenant tu es mon beau-père!

Il essaya de la faire sortir, elle refusa.

-   Au moins montre-moi ta main que j'y dépose un baiser.

La main sortit au dehors, il y porta ses lèvres, mais ne pouvant rien obtenir d'autre, s'éloigna. Quand il conta à sa femme où était Nouara, elle voulut partir tout de suite, mais la nuit tombait, il lui fallut attendre le lendemain. 

...

 

Fatima KERROUCHE

 

Les contes de Mademoiselle Soumicha

 

 

Éditinter 2011

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