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23/10/2012

OUZELLAGUEN (Hamou AMIROUCHE) 2

(En juillet 1963)

Avant de rejoindre la rue principale qui menait vers la gare, je marquai un dernier arrêt devant l'école primaire de Tazmalt. J'eus une pensée affectueuse pour Mr. Fernand Avril, cet instituteur mémorable qui avait fait obtenir aux élèves de Tazmalt leurs premiers diplômes de Certificat d'Etudes de l'histoire. Parce que l'instituteur avait osé donner un coup de baguette sur la tête à son cancre de fils, le colon-maire, M. Robert Barbaud, l'avait fait chasser de Tazmalt.

À la gare de chemin de fer de Tazmalt, je sentis des regards par en dessous en raison certainement de ma veste américaine, de mes lunettes noires et surtout de ma barbe fournie qui faisait rarement partie du décor en 1963. Je pris un billet aller-retour pour Ighzer Amokrane en me demandant dans quel état d'âme j'allais accomplir ce pèlerinage.

Durant le voyage, debout devant la fenêtre, je regardai défiler au loin sur la montagne, au ralenti, les villages où nous avions vécu les moments terribles d'opérations montées contre le colonel Amirouche, ou inoubliables, d'accueil enthousiaste et d'hospitalité hors du commun : Ivehlal, Tallent, Ighram, Iammouren etc. Au bout d'une heure environ, le train entra en gare d'Ighzer Amokrane.

Il était un peu avant midi et le soleil de juillet commençait à taper dur. Debout devant la gare, je dirigeai mes regards vers la montagne qui se dressait devant moi. Je pris la large piste barrée de part et d'autre d'une haie de cactus qui revenaient doucement à la vie comme les habitants. Les troupes coloniales les avaient rasées au bulldozer car elles servaient de cachette dans les embuscades montées par les commandos de l’ALN.

L'escalade commença à environ un kilomètre de la gare. Je me sentis léger comme une plume en pensant que je n'avais ni mitraillette, ni cartouchière, ni porte-documents qui puissent ralentir mon rythme. Et je cheminais en plein jour dans ma patrie libérée ayant chassé ces reîtres. Je pressai le pas : j'avais rendez-vous avec des esprits et des âmes qu'il s'agissait de ne pas faire attendre.

Je n'avais nul besoin de demander mon chemin aux paysans que je croisais sur le sentier.

Tifrit-(Akbou)_ph-Lucien RENAUDIN.jpg

Au bout de deux heures, je pénétrai au village d'Ouzellaguen, près de Tifri, lieu historique où se tinrent les assises du Congrès de la Soummam le 20 août 1956. Je pouvais apercevoir, ça et là des gourbis en ruine ou totalement détruits, appartenant très probablement à des maquisards «vendus», trahis.

Je n'avais plus aucune mémoire du lieu où était aménagé le refuge et où, vers huit heures du matin, un jour de janvier 1958, une fusillade nourrie nous avait surpris ; ni du bouquet de chênes maigrichons sous lesquels Si Amirouche avait déployé notre petit groupe. Mais je savais qu'il se trouvait à mi-distance entre le village et les pitons sauvages et dénudés d'Aït Zikki.

Je m'y dirigeai et au bout d'une demi-heure, je décidai que l'endroit exact où nous avions vécu le «feu d'enfer» de l'aviation et de l'artillerie françaises importait peu ; je m'adossai à un chêne et promenai mon regard sur les murets en contrebas d'où le bataillon de choc de Chaïb Mohand Ou Rabah avait lâché sa mitraille.

 

 

Hamou AMIROUCHE

Un an avec le Colonel Amirouche

 

Casbah Éditions

2009, Alger

 

Commentaires

En fait, l'operation que j'a evoquee dans mon recit a eu lieu en fevrier 1958 et non en janvier 1958. J'assume...

Écrit par : Hamou Amirouche | 05/12/2012

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