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09/10/2014

LE COLPORTEUR GAOUAOUA (Martial RÉMOND)

Nous voici dans la région la plus peuplée de toute l'Algérie; la densité de peuplement de ses douars est telle qu'en certains points on compte jusqu'à 450 habitants au kilomètre carré (Bouakkache : 463, Ouassif : 326.)

Avant 1857, les habitants de la montagne étaient trois fois moins nombreux que maintenant ; d'épaisses broussailles couvraient de grandes étendues. Tant bien que mal, le Kabyle arrivait à tirer de son sol la maigre subsistance dont il se contentait ; son alimentation se composait surtout de couscous d'orge et de glands mélangés, de quelques légumineuses, du laitage de ses troupeaux ; la viande était rare et les friandises inconnues.

Vint une période continue de paix et de sécurité. Plus de luttes intestines entre villages ; la population s'accrut. Mais, vue l'avarice du sol, le paysan kabyle fut contraint d'aller chercher ailleurs sa pâture ; il se fit colporteur.

Au début, ce métier était considéré comme une sorte de mendicité dont on avait honte ; peu à peu, cela devint un commerce ; le colporteur s'en allait, à pied, à travers les pays arabes, vendre sa pacotille, verroterie, bimbeloterie, bijouterie grossière, pièces, médicaments, tous ces mille riens dont les femmes indigènes auraient dû se passer s'il leur avait fallu compter sur le bon vouloir de leurs maris.

Commerce de troc surtout : en échange d'une poignée de laine ou d'un œuf, le colporteur donnait un bracelet en celluloïd, un collier de verroterie ou une pince à épiler.

Il est vrai que la poudre et les armes rapportaient bien davantage !

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Le colportage fut en honneur surtout dans les tribus de la montagne, dans le pays Gaouaoua, limité au Nord par les At-Yenni et les At-Khelili.

Les habitants de la moyenne montagne continuèrent, un certain temps, à vivre de leur terre, et quand, enfin, ils durent, à leur tour, aller gagner leur vie au dehors, ce fut plus spécialement vers les pays de colonisation et les mines qu'ils se dirigèrent : les Hauts-Plateaux, Bône, Philippeville, la Tunisie.

Jusque vers 1890, le colporteur Gaouaoua fit ce que l'on peut appeler de bonnes affaires ; mais, à partir de cette époque, le développement des voies de communication, l'installation de commerçants israélites et mozabites dans les petits centres européens et la vente à crédit lui portèrent de rudes coups.

À son tour, il dut souvent louer ses bras ; cependant, son activité s'est toujours portée, de préférence, vers le commerce, soit qu'il devint colporteur ambulant, en France ou l'Etranger, soit qu'il allât fonder boutique en Oranie.

 

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Mais, n'allez pas croire qu'il n'y ait plus de Kabyles portant la balle, en Algérie ; ceux de la page précédente, originaires de la commune mixte de Michelet, je les ai rencontrés près du marché des At-Douala.

 

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Cet autre, âgé de plus de 60 ans, s'apprêtait partir pied pour l'Oranie, quand il a été photographié, aux portes de Fort-National, en 1932.

 

Survivance nécessaire tant que la femme indigène n'ira pas sur les marchés. Comment pourrait-elle se procurer colifichets ou remèdes, si des colporteurs avisés ne venaient pas jusqu'à elle ?

 

 

REMOND_Au coeur du pays kabyle_1933_couv.jpgAu cœur du pays kabyle.

Martial REMOND

 

Éditeur : Baconnier-Hélio (Alger)

 

Année de publication : 1933