17/05/2015
Les maisons de Taguemount-Azouz (Anthony WILKIN)
(De Fort-National) le trajet en équitation sur des mules d’une durée de six heures, assez facile, y compris les arrêts pour l'alimentation et les photographies, nous a amenés à Taguemount-Azouz. Les chemins étaient très difficiles, mais le paysage magnifique, le Djurdjura, apparaissant toujours plus proche et plus audacieux. La neige, sur lui, brillait comme du cristal dans la lumière d’un soleil sans nuages.
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Dans la plupart des maisons, l'agencement est très simple : une pièce unique, qui peut être de trente pieds de long et quinze de large, divisée en deux parties par un muret de pierre bas, la moitié de la surface étant à un niveau beaucoup plus bas que l'autre. Sur ce mur sont installés les greniers -deux ou plusieurs en nombre- en stuc et décorés de ronds curieux et de losanges, avec même des représentations, depuis longtemps en usage, de mains humaines. L'apparence de ces énormes bacs carrés est mexicaine et ils sont vraiment différents de tous ceux de ce pays.
Dans la partie basse ainsi formée derrière le muret et sous les greniers, on trouve généralement une mule, une chèvre et même un mouton familier. L'autre moitié de la pièce principale est consacrée à la préparation du couscous et aux repas, à la fabrication et au séchage des poteries, et aux nattes qui servent de lits.
Le toit en tuiles est réalisé sur des poteaux robustes dont les extrémités ont une fourche naturelle ou sont découpées en forme de demi-lune pour recevoir les gros chevrons. Il n’y a pas de maîtresse-poutre et, l'inclinaison du toit étant plate, les parois latérales sont seulement retenues de bomber vers l'extérieur par la solidité de la maçonnerie et l'ajout de renforts (ou moises) qui tiennent une partie du poids de la structure ci-dessus.
Les portes sont simples pour la plupart, pas sculptées comme celles de Gelaâ et il n’y a pas de fenêtres de tuiles ornementales comme à Tazaïrt. Des cadenas grossiers mais efficaces en fer ou en laiton, fermés par des clés en spirale comme d’énormes vis, rendent la maison inviolable contre des voleurs ordinaires. Mais il y a des Kabyles qui savent comment saper le mur d'une maison en une seule nuit et extraire les biens des résidents endormis sans les perturber plus qu’un enfant éveillé ou une chèvre agitée.
Dans quelques-unes des meilleures maisons, l'écurie est ventilée dans la pièce par des arches dans le mur mitoyen et les avant-toits sont réalisés pour former des porches agréables sur la porte d’entrée. En aucun cas, nous n'avons vu aucune disposition pour le nettoyage de la cave-étable, ou pour l'admission de ses occupants, une autre voie que celle de la porte d'entrée.
De nombreuses maisons se font face à l'intérieur d’une cour plus ou moins grande, l’ensemble ayant une entrée commune de la rue et un mur d'enceinte. Dans ces petites communautés habitent les familles élargies, grands-parents, pères, mères, cousins, jusqu’à la troisième et quatrième génération, ou jusqu'à ce que les limites d’hébergement ne puissent plus être dépassées.
Le Caïd avait une propriété voisine de celle de son frère. Sa cour contenait un puits avec un trou ordinaire et un seau, un bon siège de pierre sous un figuier productif et une petite parcelle de maïs pour ses mules, autour de laquelle était plantée une frontière d'oignons, laitues et chardons (artichauts ou cardons), à partir de laquelle une excellente salade était toujours à sa disposition.
Il y a bien sûr, des variations infinies sur le plan habituel, mais la description ci-dessus des maisons est assez vraie pour celles que nous avons vues. Outre les greniers, il y a souvent des amphores de deux à trois pieds de haut, qui, placées dans des assises de glaise séchée ou des boiseries ornementales (comme celle de l'illustration), servent à contenir la récolte d'huile d'olive de la saison à partir de laquelle la cuisine peut être préparée et les lampes réapprovisionnées.
Ces lampes sont des produits de la poterie d'un village voisin, et certaines d'entre elles ressemblent au fameux chandelier à sept branches représenté sur l'Arc de Titus, volé au temple de Jérusalem. D'autres sont plus simples, mais en général, leurs formes sont conformes au goût kabyle, de doubler, tripler et même quadrupler l’ouvrage, les parties étant reliées entre elles par des becs et poignées pittoresques et des ponts de renforcement, alors que, dans le cas de pots à eau, il y a communication libre entre les corps de tous les composants.
Les bacs de maïs tressé de Gelaâ ne semblent pas exister à Taguemount-Azouz, mais il y a les greniers de stuc et même des ensembles de greniers accessibles par une échelle extérieure et une trappe, pleins de grain et de figues.
Bien que les habitants soient tous Mahométans et ne doivent pas, en théorie, représenter en dessin ou en sculpture toute chose ayant la vie, nous avons trouvé un mur décoré, au-dessus d’une frise de losanges typiques et de traits, avec des figures en rouge d'un lion, d’un chameau et même d'un homme, sans parler d'un arbre qui, comme ils l’ont affirmé, était censé être un cèdre. La potière, aussi, permet souvent à son sens de l'art de dépasser ses professions religieuses et peint des images de tortues et de chameaux. La méchanceté n'excédant pas son don, son exécution est, du point de vue orthodoxe, le seul point qui pourrait être plaidé pour sa défense.
Nous étions venus dans ce village pour voir les poteries, et nous les avons vues. …
Parmi les Berbères d'Algérie
Anthony WILKIN
(Extrait traduit avec l’aide de Max DRIDER)
Texte original :
Six hours’ easy riding, including stoppages for food and photographs, brought us to Tagamount Azouz. The roads were very fair and the scenery magnificent, the Djurdjura getting ever nearer and bolder. The snow upon them sparkled like crystal in the unclouded sunlight.
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In most of the houses the arrangement is very simple. A single room, that may be thirty feet in length and fifteen broad, is divided into two compartments by a low stone wall, the one half being at a much lower level than the other. On this wall are the granaries — two or more in number — made of stucco and ornamented with curious rings and diamonds, even with representations, long since conventionalised, of human hands. The appearance of these huge square bins is almost Mexican, and they are quite unlike anything else in the country. In the cellar thus formed behind the low wall and beneath the granaries are generally to be found a mule, goat, or even a pet sheep. The other half of the room is devoted to the preparation of couscous and to eating it, to the making and drying of pottery, and to the mats which serve for beds. The tile roof is carried on sturdy poles whose ends have a natural fork or are cut into a crescentic shape to receive the super incumbent rafters. There are no tie-beams, and, the pitch of the roof being flat, the side walls are only kept from bulging outwards by the solidity of the masonry and the addition of queen-posts, which take up some of the weight of the structure above. The doors are plain for the most part, not carved like those of Gelaa, nor -are there ornamental tile windows as at Tazairt. Clumsy but efficient padlocks of iron or brass, worked by spiral keys like enormous screws, render the house proof against ordinary robbers, but there are Kabyles who know how to undermine the wall of a house in a single night and abstract the property of the sleeping inmates without so much as disturbing a wakeful child or a fretful goat. In a few of the better dwellings the stable is ventilated into the living room by arches in the party wall, and the eaves are carried down to form pleasant porches over the main door-way. In no case did we see any provision for cleaning the cellar-stable, or for admitting its inmates by any other way than that of the front door.
Many of the houses face inward to a greater or lesser courtyard, the whole compound having a common entrance from the street, and an encircling wall. In such little communities dwell separate families, grandparents, fathers, mothers, cousins — all to the third and fourth generation, or until the limits of their scant accommodation can be no longer exceeded.
The kaïd had a property adjoining that of his brother. His courtyard contained a well with an ordinary wind-lass and bucket, a good stone seat beneath a spreading fig-tree, and a little patch of corn for the benefit of his mules, round which was a border of onions, lettuces, and thistles, from which an excellent salad was always at his disposal. There are, of course, endless variations on the usual plan, but the above description of the houses is fairly true for those we saw. In addition to the granaries, there are often amphorae from two to three feet high, which, placed in stands of mud or ornamental woodwork (like that in the illustration) serve to contain a season’s supply of olive oil, from which the kitchen may be supplied and the lamps replenished. These lamps are made of the pottery of a neighbouring village and some of them closely resemble the famous seven-branched candlestick depicted on the Arch of Titus, plundered from the temple at Jerusalem. Others are simpler, but in general their shapes conform to the Kabyle taste for doubling, trebling, and even quadrupling their handiwork, the parts being connected together by quaint spouts and handles, and strengthening bridges, while, in the case of water-pots, there is free communication between the bodies of all the component parts. The plaited corn bins of Gelaa do not seem to be found in Tagamount Azouz, but instead there are the stucco granaries, and even whole rooms reached by an external ladder and a trap-door, full of grain and dried figs.
Though the inhabitants are all Mohammedans and must not, in theory, represent either in drawing or sculpture any kind of thing which has life, we found a wall decorated, above a dado of the typical diamonds and cross-hatchings, with figures in red of a lion, a camel, and even of a man, to say nothing of a tree which, as they affirmed, was intended to be a cedar. The potter, too, often allows his sense of art to outrun his religious professions, and makes images of tortoises and camels, the exceeding badness of whose execution is, from the orthodox point of view, the one point that could be pleaded in his defence.
We had come to this village to see the pottery made, and we saw it. ...
Anthony WILKIN
London - 1900
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