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18/08/2011

L’Avenir de la Kabylie (Jules LIOREL ) 3

 

L'AVENIR DE LA KABYLIE

DIXIÈME ET DERNIER LIVRE

 

 

Dans les Lettres de Kabylie, de M. Paul Bert, voici ce que nous lisons, sur ce même sujet : « l'instituteur enseigne ce qu'il sait, ce qu'on lui a appris à enseigner, ce qui est estimé dans les écoles normales et apprécié de MM. les inspecteurs. Un jour, dans une école de la grande Kabylie, l'instituteur me montrait avec fierté des enfants qu'il préparait au certificat d'études. C'est là une conception délirante. Le certificat d'études, les casse-têtes de l'arithmétique, les Mérovingiens, les subtilités de la grammaire, les bizarreries de l'orthographe ! Dans une autre, je prends le cahier de rédaction du meilleur élève. Dictée... je vous le donne en mille, Les remords de Frédégonde !... Mais à ces enfants, familiers avec Brunehaut et les intérêts composés, je leur demandais en vain l'étendue de la France, le nombre de ses soldats, le bien qu'elle a fait à leur pays, leurs devoirs envers elle. ».

 

Cela n'est-il pas très juste? Et quel Français, connaissant un peu les choses d'Algérie, ne serait du même avis ? La connaissance exacte de notre pouvoir, l’idée qu'ils se feraient d'une France une et puissante, les rendrait résignés « à l'inévitable et à l'indestructible » et ils pratiqueraient la maxime : Initium sapientiae timor domini*. Au contraire aujourd'hui sans données certaines sur notre métropole, ils s'imaginent volontiers que la France n'est qu'un composé de tribus, semblables aux leurs, et ils sont un peu encouragés dans cette croyance par la différence du langage qu'ils perçoivent fort bien chez les Marseillais, les Normands, les Bordelais ou les Bourguignons, aussi bien que par leur divergence de goûts et de leur manière de vivre.

 

À cet enseignement, il faut joindre l’enseignement manuel, professionnel. Quand le Kabyle verra qu'à l'école on apprend un métier qui rapporte de beaux et solides bénéfices, qu'on forme des cultivateurs initiés à tous nos modes de culture, il sera le premier à envoyer son enfant chez le maître français. Le Kabyle apte à nous rendre de nombreux services, ayant son intérêt en jeu pour augmenter ses moyens d'existence ou son bien-être, se mêlera fatalement d'une façon plus intime à notre vie, il prendra nos habitudes, pensera à la longue comme nous pensons nous-mêmes, deviendra lui-même tolérant en voyant la tolérance que nous aurons montrée vis-à-vis de lui-même ; à partir de ce jour, son assimilation sera œuvre accomplie.

 

Il ne faudrait pas croire en effet que le Kabyle instruit, connaissant un métier, restera dans ses montagnes où il n'a point assez de terre pour vivre tant la population y est dense. De tous temps les Kabyles ont émigré pour venir demander leur vie dans la Mitidja, dans la province de Constantine, et dans beaucoup d'endroits encore bien plus éloignés. Qui empêcherait de se servir de ce goût ou plutôt de cette nécessité d'émigration, pour créer des centres où la colonisation se ferait par les Kabyles?

 

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Il est certain que l'on trouverait une grande quantité de Kabyles qui ne demanderaient pas mieux que de venir en dehors de leurs montagnes cultiver des terres que nous leur concéderions ou que nous leurs vendrions: tout d'abord ils trouveraient cet immense avantage de travailler pour eux, au lieu de travailler pour un maître, un étranger. En outre, les Kabyles seraient l'élément colonisateur par excellence que nous devrions employer pour faire, de l'Algérie, une véritable France.

 

Nous ne revenons pas sur ce qui a été dit à ce sujet  dans le livre précédent ; notre seul désir serait de voir ce projet faire l'objet d'une tentative. Le Kabyle en tirerait tout honneur et profit, et la France aurait résolu un problème qui s'impose de jour en jour d'une façon plus imminente : la colonisation effective l'Algérie.

 

 

*Le commencement de la sagesse, c'est la crainte du seigneur (traduction trouvée sur internet)

 

 

FIN DU DIXIÈME ET DERNIER LIVRE.

 

 

Jules LIOREL

 

Races berbères

 

Kabylie du Jurjura

 

Imprimerie E. JAMIN

Laval  1892

05/08/2011

L’Avenir de la Kabylie (Jules LIOREL ) 2

L'AVENIR DE LA KABYLIE

DIXIÈME ET DERNIER LIVRE

 

Il va sans dire que l'enseignement français doit être approprié suivant la condition sociale et les préoccupations d'avenir de l'enfant. Avec notre véritable entêtement à vouloir l'uniformité dans notre administration bureaucratique, quels que soient d'ailleurs les centres, où elle s'exerce et le caractère de ceux qu'elle régit, nous avons voulu que le petit paysan kabyle apprenne ce que l'on enseigne au paysan français. Aussi est-ce avec un sourire que nous lisons des récits, tels que le suivant, relaté dans le journal des Débats du 7 mai, et reproduit dans l'ouvrage, précité, Arabes et Kabyles auquel nous l'empruntons. « Un de nos amis, M. Franck Chauveau, sénateur et secrétaire de la commission d'études de l'Algérie, lequel a été, au printemps dernier, faire un voyage dans notre Colonie, racontait dans une interview publiée dans le Journal des Débats du 7 mai que, visitant une école, d'ailleurs très bien tenue, il avait demandé au maître quelles étaient les connaissances historiques de ses élèves.

-   Oh ! lui répondit modestement celui-ci, ils n'en sont encore qu'à l'histoire de Charles VI ! Avant d'en arriver là, ajoute M. Chauveau, on avait évidemment appris aux jeunes Arabes, toute l'histoire des Mérovingiens, y compris les mésaventures de Childéric et de Frédégonde. Voilà qui devait singulièrement les intéresser ».

Et l'auteur ajoute : « Ils n'échappent pas non plus, très certainement, à la nomenclature de tous nos chefs-lieux d'arrondissements. Il est si utile à un jeune homme Kabyle de Fort-National de savoir que Hazebrouck est situé dans le département du Nord, et que Brive-la-Gaillarde fait le plus bel ornement de la Corrèze !... Il faudrait donc avant tout faire table rase de tous ces programmes métropolitains ; composer pour nos élèves kabyles des livres appropriés à leurs besoins et à leurs aptitudes ; cesser par exemple, de les obliger à savoir ce que c'est que la pragmatique sanction de Saint-Louis, mais leur raconter la croisade de ce roi contre Tunis, alors occupée par les ennemis de leurs ancêtres ; ne pas leur faire apprendre par le menu les détails de la querelle de François 1er et de Charles Quint, mais leur montrer ce dernier attaquant leur pays à Alger, à Oran, tandis que le roi de France inaugurait, avec la Porte Ottomane, une politique amicale qui aboutit aux capitulations, et qui fait encore aujourd'hui de la France la plus vieille alliée du Sultan. En un mot, leur enseigner les annales de leur pays depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos jours, ce qui leur fera voir naturellement que les Arabes étaient leurs oppresseurs et que nous sommes encore les plus généreux et les plus forts de leurs conquérants : telle doit être la base de notre enseignement historique. À propos de géographie, leur montrer la France grande dans le monde par ses Colonies, surtout en Afrique ; les persuader ainsi que leur pays n'est qu'une intime partie de l'Empire Français et leur en faire conclure qu'il est parfaitement inutile de penser à nous jeter à la mer ; enfin, leur prouver que rien ne les sépare de nous, rien qu'une religion que nous sommes décidés à respecter comme nous respectons toutes les autres, aussi bien dans nos Colonies que sur notre sol métropolitain : telle est la méthode à suivre, d'une manière générale pour arriver à les rapprocher de nous en les désolidarisant des Arabes et en exploitant leur haine et leur mépris pour les nomades. »

 

 

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Hospice d'Hazebrouck

 

 

LIOREL Jules_Kabylie du Jurjura (Djurdjura)_1892_mf.jpgJules LIOREL 

Races berbères 

Kabylie du Jurjura

 

Imprimerie E. JAMIN

Laval  1892