Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

16/10/2010

Les Animaux ont parlé en Kabylie (Aqaciwali)

 

En ce temps où les animaux avaient parlé, leurs vœux furent immédiatement exaucés.

- Znn ! dit l'abeille, qui je pique, je meurs.

Elle voulait dire "qui je pique, meurt", mais le Souverain avait fait fourcher sa langue et depuis c'est elle qui meurt en perdant son dard lorsqu'elle pique quelqu’un.

- Dieu, souhaita le chat, aveugle les gens de la maison, que je puisse dérober la viande à loisir.

- Non, mon Dieu, pria le chien au contraire, fais prospérer la famille ! Qui mange m'offre une bouchée.

Aussi surveille-t-on toujours le chat et le surprend-on lorsqu’il va chaparder la viande ou voler les poussins. Et on aime bien à table, lancer quelque chose à manger au chien de la maison.

- Dieu, fais la nuit, que je puisse me reposer, pria le bœuf de labour.

- Mort, je choisis l'enfer, déclara le bourricot, ça me reposerait des enfants et de leurs courses incessantes sur mon dos.

- Dieu, rends-moi muet, demanda Isghi le percnoptère, pour n'avoir pas à témoigner contre quelqu'un.

Et probablement aussi pour qu’il ne risque pas de proférer d'âneries.

 

Vint le moment de distribuer l’espérance de vie. Cinquante ans pour l'homme, trente cinq pour l'âne, vingt cinq pour le chien et vingt pour le singe.

- C'est trop peu, protesta l'homme. Quoi, j'aurais à peine goûté à la vie que je mourrais ?

- Je veux bien te céder dix ans, proposa le baudet. Ce serait toujours ça de moins à trimer, m'user les sabots et souffrir l'aiguillon et le gourdin que tu m’administres.

- Mon maitre, mon ami, s’écria le chien, je ne saurais être heureux si tu ne l'étais ; je t'offre donc volontiers dix autres années des miennes.

- Quant à moi, dit le singe, il me suffirait de dix ans à surveiller, à sauter d'arbre en arbre, la peur de recevoir la raclée de mes congénères si nous étions surpris par l'ennemi.

C'est pourquoi donc, après la cinquantaine l'homme vit "la dizaine de l'âne" à besogner sans cesse pour rattraper le temps qu'il a été insouciant ; puis la "dizaine du chien", toujours à maugréer, sermonner, crier, après tout et tous ; et enfin "la dizaine du singe", le menton qui avance en pendouillant, la bouche en cul, la langue tremblotante, les tics, les gestes involontaires, les grimaces... de la vieillesse !

 

AQACIWALI_Ylla-Thella.jpgAQACIWALI

Ylla, Thella

Feuilles de contes

 

Édilivre, 2007

 

04/10/2010

Islamisation, marabouts et çoufis en 1900 (EDMOND DOUTTÉ)

 

Pages 38-39

 

Le grand travail d’islamisation qui eut lieu alors est perceptible même pour celui qui lit superficiellement les histoires des musulmans ; à partir du XVI‘ siècle, tout change : les tribus n’ont plus les mêmes noms, elles se donnent des patrons religieux ; les historiens se montrent beaucoup plus intolérants dans leurs appréciations; les saints, les marabouts, jouent dans l’Etat et dans la vie populaire un râle de plus en plus grand. On croirait, quand on passe d’ibn Khaldoùn à Et Oufrànî, qu’on lit l’histoire de deux peuples différents.

 

Cependant cette islamisation dont nous parlons s’est continuée jusqu’à nos jours; le maraboutisme, développant le vieux goût des Berbères pour le culte de l’homme, n’a cessé d’étendre son influence. Certes, il y a des populations que l’Islâm n’a pas encore entièrement pénétrées; la Grande Kabylie, qui a adopté la loi musulmane en ce qui concerne les prescriptions d’ordre purement religieux, n’a pas accepté le statut personnel musulman. Elle garde ses coutumes, ses kanoûn, malgré leurs contradictions formelles avec le droit coranique d’origine divine. Mais, répétons-le, le maraboutisme ne cesse de gagner du terrain.

 

Nous y avons contribué nous-mêmes en arabisant inconsidérément des pays comme l’Aurès d’où nous avons à peu près fait disparaître les coutumes nationales et antéislamiques. A côté du maraboutisme, ou plutôt au sein du maraboutisme, se sont élevées les confréries mystiques religieuses qui ont aussi puissamment contribué à faire pénétrer le pur esprit islamique jusque sous les plus humbles gourbis et les plus modestes tentes. Il est temps de dire quelques mots de ces deux éléments de l’Islàm : maraboutisme et associations mystiques.

 

 

Page 43

 

Le mot marabout a vu son sens s’élargir encore davantage : il en est venu non seulement à servir pour désigner torts les saints, mais encore tout ce qui est sacré. en sorte que des animaux, des arbres, (les pierres, sont dits « marabouts ». C’est à cet égard, le terme le plus général qui existe et le seul dont se serve le peuple.

 

Donnons, à ce propos, l’explication de quelques expressions courantes dans la terminologie du maraboutisme, Un bahloùl est un simple d’esprit, partout regardé comme un favorisé de Dieu, de même que le fou on l’épileptique. Le bahloùl est naturellement prédisposé à être medjdzoub c’est-à-dire « ravi en extase » par Dieu, illuminé. Le saint qui est continuellement medjdzoub, ravi, est devenu un ouali !, c’est-à-dire un ami, un familier de Dieu. Les saints sont généralement désignés par le titre de Sidi « monseigneur.», qui s’abrège en Si, pour désigner surtout un lettré, un jurisconsulte. un faqih Au Maroc, le sultan et tous les saints reçoivent le titre de Moulaye c’est à-dire « mon maitre ». Lofin, les femmes maraboutes sont désignées, comme en Orient, sous le nom de Setti, madame » ; mais leur titre le plus populaire est celui de Làlla iily), mot berbère, qui signifie « maîtresse ».

 

 

Page 56

 

Le mystique musulman se nomma çoûfi  et le mysticisme taçawwouf. Les orientalistes européens l'appellent le çoûfisme. D'où vient ce mot de  çoûfi  ? La question a beaucoup exercé les lexicographes arabes et européens ; la grammaire voudrait qu'il vint du mot çoûf  qui signifie « laine »

 

Les premiers çoùfis, dit-on, s'habillaient de laine et la laine serait le symbole de la douceur. de la foi, de la pureté. D'autres l'ont tiré de la racine çafà qui veut dire « être pur », mais les lois de la dérivation ne sont pas favorables à cette étymologie. Peut-être vient-il du grec ! On a été jusqu'à vouloir le tirer du berbère, ce qui semble audacieux. La première étymologie nous paraît la plus vraisemblable.

 

 

Edmond DOUTTÉ

 

L’ISLÂM ALGÉRIEN EN L’AN 1900

 

 

Giralt, Imprimeur

Alger-Mustapha

1900

 

26/09/2010

Le Ramadhân en l’an 1900 (Edmond DOUTTÉ)

 

I

Les dogmes de l’Islam, le culte musulman, la loi

 

4° Le jeûne, (çawm ou ciyam).

Il a lieu pendant tout le mois de Ramadhân. Il commence chaque jour à l’aube, à partir du moment où il est possible de distinguer un fil blanc d’un fil noir et se continue jusqu’au coucher du soleil. Il consiste dans la privation absolue de toute espèce d’aliments ou de boissons. On ne doit rien avaler : on ne doit même pas fumer, ni respirer des parfums ; les rapports sexuels sont formellement interdits. Lorsque le Ramadhân tombe au mois de janvier, comme cette année, ces prescriptions sont supportables. Mais lorsqu’il vient, par suite du manque de coïncidence de l’année lunaire avec l’année solaire, à tomber au mois de juillet, par exemple, elles sont extrêmement pénibles, car il ne reste plus au fidèle que quelques heures de nuit pour manger et prendre un peu de repos, si ses moyens ne lui permettent pas de passer le jour à ne rien faire.  Le moment du coucher du soleil que l’administration fait annoncer par un coup de canon est en général fiévreusement attendu par les fidèles affamés et à peine a-t-il retenti que la ville est en liesse. Alors, ont lieu pendant la nuit des réjouissances, voire des orgies, qui ne contribuent pas à reposer les croyants. Aussi la fin du Ramadhân les trouve-elle en général fort affaiblis. Cependant ce jeûne est observé avec la plus grande rigueur ; les musulmans mettent beaucoup d’ostentation et ceux qui ne l’observent pas sont maltraités par les autres. Le jeûne n’est obligatoire que pour les individus majeurs ; les femmes enceintes, les malades, les voyageurs, ne sont pas astreints au jeûne en ramadhân ; mais ils doivent, plus tard, s’acquitter de cette obligation. Pour s’assurer si un jeune homme a l’âge de jeûner, voici comment l’on procède ici : il prend une ficelle, il la double ; lorsqu’elle est doublée, il fait le tour du cou avec et il coupe les deux extrémités de façon que, doublée ainsi, elle ait juste la longueur de la circonférence du cou ; puis il prend entre les dents la double extrémité, et dédoublant la ficelle, il cherche à taire passer sa tête dans la boucle ainsi formée ; s’il réussit, il peut jeûner, sinon il doit encore attendre.

 

DOUTTE-Edmond_L'Islam-algerien-en-l-an-1900.jpgEdmond DOUTTÉ

 

L’ISLÂM ALGÉRIEN EN L’AN 1900

 

Giralt, Imprimeur

Alger-Mustapha

1900

 

Pages 8 et 9

 

22/09/2010

Souvenirs de TAOURIRT-MIMOUN (Mohammed ARKOUN) 3

 

 

Parmi l'assistance, ceux d'en-bas étaient choqués par un mode de domination qu'ils croyaient révolu ; d'autres, ne comprenant pas exactement l'enjeu de l'admonestation, furent simplement amusés de la scène. Mouloud et moi avons souvent commenté devant des amis divers -en riant et en faisant rire comme il savait bien le faire avec son art de conter- les propos et l'indignation de Da Salem. C'est une des dernières, mais très significatives manifestations des mécanismes de contrôle de la parole porteuse de pouvoir en société kabyle. L'authenticité ethnologique du propos est soulignée par l'emploi répété de Dâdâk qui souligne des rapports de respect, c'est-à-dire, en fait, de pouvoir de l'aîné sur les cadets dans la famille et, plus généralement, des plus âgés sur les plus jeunes dans toutes les relations sociales, l'âge pouvant signifier la sagesse, la connaissance et le respect strict du code de l'honneur, un sens de la dignité personnelle et du dévouement à la communauté.

Je n'ai pas été apostrophé par mon prénom, mais par un rappel généalogique qui me renvoyait à ma place et à mon statut dans le « clan » (dont le souvenir est pourtant très estompé depuis longtemps) et le village. De même, la mention de lâarsh souligne le caractère exceptionnel et solennel d'une audience qui dépasse celle du village. À ce niveau, L’Amîn est le médiateur ou porte-parole incontournable. Seul le « marabout » habilité à solliciter la bénédiction divine au début et à l'issue de toute réunion importante, peut valablement s'exprimer pour ajouter une consécration religieuse aux propos « séculiers » de L’Amîn. Au sein de Thajmayth (assemblée de village) les représentants des familles peuvent prendre la parole dans le code précis des ordres de préséance et sous la présidence de L’Amîn.

Un dernier trait intéressant de l'apostrophe de Da Salem est la remarquable ouverture à la connaissance de langues autres que le kabyle. L'arabe et le français sont considérées comme des langues de promotion culturelle et sociale (avec une prime supplémentaire pour l'arabe, langue sacrée du Coran et moyen d'accès aux enseignements de l'islam). La maîtrise de ces langues rehausse le statut non seulement de l'individu, mais de la famille. C'est pourquoi Da Salem réaffirme la vocation des Mammeri à contrôler, à gérer ces facteurs nouveaux (pour le kabyle) de mobilité sociale et, éventuellement, de transformation du capital symbolique qui cesse d'être lié exclusivement à l'usage du kabyle. Ainsi l'histoire met en mouvement des structures archaïques et les structures réagissent à « l'innovation » (la fameuse bid'a traquée par les juristes théologiens musulmans à une échelle plus vaste et avec les enjeux plus complexes de vérité divine opposée à la vérité humaine) par la voix de ceux qui y puisent la légitimité de leur pouvoir.

Il y a ouverture aux langues, mais monopolisation du prestige qu'elles confèrent, parce qu'il s'agit de renforcer un ordre ancien et non de le remettre en question par l'apport culturel de ces langues. Quand on compare cette attitude et celle du Front islamique du salut qui, dans l'Algérie de 1989-1999, réclame la suppression de l'enseignement du français pour assurer le monopole de l'arabe, on constate une régression de l'attitude pratique devant l'étude des langues comme voie d'émancipation de la société.

 

BROUTY-Charles-Djemaâ des Aït-Flane_mf.jpg

 

Mouloud Mammeri était, bien sûr, très conscient de toutes ces contradictions ; mais il poursuivait avec sérénité et confiance la tâche difficile de collecter et de publier les trésors de la littérature kabyle. Il avait le privilège de puiser à bonne source ; il demeurait très à l'aise dans le système de valeurs qu'incarnait et défendait son père ; je ne partageais pas cette aisance parce que, pratiquant les trois langues devenues enjeux de pouvoir et refuges d'identités conflictuelles après l'indépendance, je suis davantage sensible aux enrichissements que la personnalité algérienne peut recueillir d'une politique linguistique équilibrée et respectueuse des données historiques et scientifiques irrécusables. Mais ni l'Etat colonial, ni les Partis-États issus des luttes de libération n'ont pu se passer de la langue comme point d'appui et véhicule du pouvoir « légitime ». La colonisation a légué partout une situation idéologique qui ne pouvait générer que les attitudes rigides observées depuis une quarantaine d'années dans un grand nombre de sociétés de l'ex Tiers-Monde.

La leçon de Taourirt-Mimoun mérite ainsi d'être méditée, analysée, diffusée dans tout l'espace maghrébin : historiquement et anthropologiquement, les Maghrébins ont traversé et traversent encore -avec des lucidités et des obscurantismes variables- des tensions identiques à celles que Mouloud et moi -avec beaucoup d'autres- avons toujours érigées en exercices éducatifs, en efforts de recherche pour un humanisme maghrébin.

 

Mohammed ARKOUN

Humanisme & Islam

 

Éditions Vrin ; 2005

Éditions Barzakh ; 2008

 

20/09/2010

Souvenirs de TAOURIRT-MIMOUN (Mohammed ARKOUN) 2

 

 

Cet ensemble de données brièvement rappelées seront mieux comprises dans un événement socioculturel dont j'ai été l'acteur principal en 1952. Je venais d'obtenir ma licence de langue et de littérature arabes à l'Université d'Alger. Face à Mouloud si à l'aise, si favorisé par la naissance, l'histoire et la fortune, je ressentais, pour la première fois, une petite compensation aux handicaps sociaux de mon statut de « protégé » : je connaissais une langue, l'arabe, et avais accès aux sources de la religion vraie ; je pouvais donc m'autoriser à prendre la parole publiquement dans un foyer rural (sorte de maison de la culture) récemment créé par Driss Mammeri, docteur en médecine qui venait de s'installer au village pour le bonheur de toute la population (jusque là, il n'y avait qu'un humble dispensaire tenu par des Sœurs Blanches à Aït Larbâa, village voisin de Taourirt-Mimoun).

Driss Mammeri participait au prestige de la famille, notamment par l'aisance matérielle ; il était beaucoup moins engagé que Mouloud dans la culture et l'animation de la mémoire ancestrale ; mais parce qu'il était un Mammeri, il pouvait prendre l'initiative de créer un foyer rural pour offrir aux jeunes de tout le douar la possibilité inespérée de se rencontrer et d'organiser des activités culturelles. J'eus le privilège de participer à l'inauguration du foyer par une conférence sur La condition de la femme kabyle et l'urgence de son émancipation.

 

femmes-kabyles_ph-Claude-Charly_carree.jpg

 

Il y avait dans cette initiative plusieurs nouveautés de portée « sacrilège » : un obscur jeunet de ceux d'en bas prenait la parole devant un public élargi au douar (selon une coutume très établie, les représentants mâles des différents villages ne se réunissaient que pour des raisons très solennelles à ce niveau « confédéral » : enterrement d'une personnalité reconnue, règlement d'un problème commun, célébration d'un événement inhabituel). En outre, ce jeunet osait traiter d'un sujet tabou : l'émancipation des femmes sur lesquelles se concentraient les contrôles les plus tatillons et les contraintes les plus archaïques fixées par le code de l'honneur (al-nîf). Ce code, bien antérieur à l'islam, était superficiellement sacralisé par des références rudimentaires à une loi religieuse (sharî'a) médiatisée par des marabouts eux-mêmes plus enracinés dans la langue et la culture orales locales que dans les traités guère accessibles du droit dit musulman (fiqh).

La conférence eut lieu devant un public réjoui, intéressé, très jeune, ouvert. J'étais pourtant très mal préparé à une épreuve aussi redoutable, car, grandi dans une culture orale, j'avais intériorisé toutes les règles de l'autocensure et tout le rituel du discours et des conduites en public. En outre, certains concepts couramment utilisés en français ou en arabe, n'avaient pas de correspondants exacts en kabyle et j'avais peur, par dessus tout, de transgresser, soit un article du code de l'honneur, soit telle disposition du droit musulman ou de la coutume. Il est vrai aussi qu'une importante partie de l'auditoire communiait facilement avec ma gêne, puisqu'il ressentait les mêmes obstacles et les mêmes limitations dans une épreuve aussi inhabituelle.

On parla de l'événement dans tous les foyers et, bien entendu, Da Salem en eut connaissance. Son pouvoir d'Amîn était déjà déclinant depuis l'instauration d'une municipalité élue ; on n'avait donc pas sollicité son autorisation pour donner la conférence. Le lendemain, sûr de me retrouver au café où se réunissaient traditionnellement la plupart des jeunes, il vint vers moi levant sa canne en signe de menace d'une correction physique méritée, et fit cette déclaration publique qui résume parfaitement les modes et les voies de contrôle du discours social et du capital symbolique dans la société kabyle traditionnelle :

Fils de Lwannâs Ath-Waârab, me dit-il d'une voix menaçante au milieu d'un public étonné, comment as-tu pu t'autoriser à prendre la parole devant la confédération (lâarsh) des Béni-Yenni, sachant que ton respecté (dâdâk) Salem est toujours L’Amîn du village ? Ne sais-tu pas que tu appartiens à ceux d'en bas et que si quelqu'un doit prendre la parole en kabyle, il revient à dâdâk Salem de le faire ; et s'il faut la prendre en arabe, il revient à dâdâk Lwannâs de le faire et si, enfin, quelqu'un doit s'exprimer en français, seul Dâdâk al-Mulûdh (Mouloud) peut le faire ! Tu as transgressé les hiérarchies établies ; heureusement que ton père est connu pour sa droiture ; je t'invite à suivre strictement son exemple.

J'ai bien sûr demandé pardon à Da Salem, homme unanimement respecté ; j'ai expliqué que l'initiative de toute l'affaire venait d'un Mammeri et que j'avais voulu simplement préciser les rapports et les différences entre nos coutumes et le droit musulman qui n'avait jamais été appliqué en Kabylie (et ne l'a pas été jusqu'à l'indépendance de l'Algérie en 1962) ; en matière de statut personnel, les Kabyles pouvaient ainsi opter pour le régime kabyle, musulman ou français.

 

Mohammed ARKOUN

Humanisme & Islam

 

Éditions Vrin ; 2005

Éditions Barzakh ; 2008

 

Combats et Propositions (APPENDICE)